Transdisciplinarité et évolution des savoirs: une introduction

Transdisciplinarité et évolution des savoirs. Fondements et pratiques
Actes du colloque organisé le 11-12 mai 2023 à Montréal dans le cadre du 90e congrès de l’ACFAS et du 100e de l’ACFAS 

Auteur·e·s:
Mirella Tarmure Vadean, Université de l’Ontario français
Selma Zaiane-Ghalia, Université de Moncton
Mattia Scarpulla, Université Saint-Paul, Ottawa

Les 11 et 12 mai 2023 a eu lieu à Montréal le colloque international « Transdisciplinarité et évolution des savoirs : fondements et pratiques », dans le cadre du 90e congrès de l’ACFAS (Association Canadienne Française pour l’Avancement du Savoir[1]), qui a célébré cette année 100 ans de savoir et de savoir-faire en français au Canada.

Ce colloque a été destiné à l’étude de la transdisciplinarité sous l’angle précis de la complexité qui vise la place du Sujet (l’être humain) auprès de son Objet d’étude dans l’enseignement, dans la recherche ou dans la profession, sur un marché de travail en grande mutation, dans le contexte actuel profondément marqué, entre autres, par l’infiltration croissante de l’Intelligence artificielle dans tous les domaines de la vie. Une quinzaine de spécialistes et étudiant.e.s en sciences humaines et sociales, en sciences naturelles et en sciences pures, appartenant  à neuf universités du Québec, de l’Ontario, de Nouveau-Brunswick, de Nouvelle-Écosse, de Roumanie et de la France, mais aussi des professionnels de milieux communautaires francophones, ont intervenu depuis des perspectives actionnelles et opérationnelles en plus d’un regard plus théorique et observationnel.

Les travaux du colloque se sont achevés avec l’adoption du Message de Montréal (document composé par sept articles) qui se concentre sur le rôle de l’université à l’avenir, comme espace-temps où l’on assure une éducation intégrale de l’être humain pour qu’il devienne responsable et impliqué, humainement et socialement. L’université ne peut plus demeurer un lieu de développement des compétences professionnelles ou de la recherche, tout en oubliant la formation à la vie de l’être qui la mène (Nicolescu, 1996, Morin, 1990, 2011). Le Message de Montréal est une prise de position traduisant la volonté des participant.e.s de contribuer à l’évolution des savoirs : connaissances, compétences, valeurs, et savoir-devenir, depuis une perspective de décloisonnement disciplinaire. Il représente un grand projet d’action collective et s’inscrit dans la lignée de dix autres documents officiels (déclarations, messages, charte, etc.) adoptés, depuis 1986 à ce jour, en clôture d’autres rencontres sur la transdisciplinarité.

Notre colloque « Transdisciplinarité et évolution des savoirs : fondements et pratiques » a retenu l’attention d’Edgar Morin et de ses collaborateurs. Son compte rendu a été publié dans la Lettre no 3 de 13 juillet 2023 de la Fondation Edgar Morin, représentant pour nous un grand honneur et une vive reconnaissance de nos efforts et engagements.

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La transdisciplinarité est une approche qui fait histoire dans l’organisation des savoirs depuis plus de trente ans. Elle a souvent été étudiée, évaluée, ou appliquée en tant que double méthode de recherche, fondamentale et appliquée. D’un côté, l’adoption de la Charte de la transdisciplinarité (De Freitas, Morin, Nicolescu, 1994), ainsi que la reconnaissance du Manifeste de la transdisciplinarité (Nicolescu, 1996) comme ouvrage apte à engendrer un projet moral, génère une recherche fondamentale. Dans cette conception, on définit la transdisciplinarité « comme le préfixe ‘’trans’’ l’indique, par ce qui est à la fois entre les disciplines, à travers les différentes disciplines et au-delà de toute discipline »; sa finalité étant la résolution des problèmes complexes depuis une position d’unité de la connaissance (Nicolescu, 1996).

D’un autre côté, la transdisciplinarité est valorisée comme pratique de recherche appliquée (recherche-action) et considérée davantage comme pont entre l’universitaire et la société, par la promotion du Mode 2 de production de savoir (Gibbons et coll., 1994) et par l’intégration du concept de science post-normale (Jahn, 2008). Depuis cette perspective, on définit la transdisciplinarité comme nouvelle forme de résolution de problèmes impliquant une coopération entre différentes parties de la société, dont l’université, l’industrie et le gouvernement. Dans ce cas, la recherche transdisciplinaire part de problèmes concrets du monde réel et non plus uniquement des sciences bien circonscrites, isolément, dans différentes disciplines universitaires. Dès lors, dans une approche orientée vers la pratique, la transdisciplinarité ne se limite plus à un cercle étroit d’experts scientifiques, à des revues professionnelles spécifiques et à des départements universitaires où sont « produites » les connaissances.  Grâce à l’« apprentissage mutuel » (Dedeurwaerdere, 2022), les divers acteurs participants à un projet s’enrichissent en partageant les connaissances scientifiques, les savoirs techniques, les connaissances locales, les connaissances des industries et des entreprises ainsi que les savoir-faire et les vécus de la communauté (ONG diverses). (Häberli et coll., 2000).

La transdisciplinarité est donc une approche, voire une posture, qui vise l’éducation tout comme elle vise l’économie, la société, l’éthique, les arts, la poésie et l’expérience intérieure (Kesteman, 2004). C’est ainsi qu’elle offre un cadre propice d’analyse pour l’évolution des savoirs : savoir (connaissances), savoir-faire (compétences), savoir-être (valeurs) ainsi que de savoir-devenir. Elle déconstruit et reconstruit (Derrida, 1967), déterritorialise et reterritorialise (Deleuze et Guattari, 1972, 1980), ainsi traçant des rapports d’identité et d’altérité à travers ce que l’on peut nommer l’« alterdisciplinarité » (Landry, 1996). La transdisciplinarité montre qu’une autre organisation des savoirs est possible, sans rejeter les disciplines. De surcroît, la transdisciplinarité permet aux Sujets (êtres humains) qui manient des Objets disciplinaires divers de faire l’expérience de nouvelles créations de savoirs, mieux adaptées à l’époque contemporaine, expériences qui ont également un impact direct sur eux et sur leur vécu.

La transdisciplinarité associe en un seul mot deux termes opposés : « trans » et « discipline », dans le but d’ouvrir les savoirs et l’être humain qui les manie à ce qui les dépasse. Le préfixe « trans » renvoie à une relation entre l’explicite et l’implicite (Random, 1996), pour dévoiler « une architecture subtile du réel où l’invisible est replié dans le visible » (Bohm, cité dans Random, 1996). La transdisciplinarité demeure certes un raisonnement sur la nature des savoirs, sur leurs liens complexes au sein des disciplines et dans la société, mais elle devient aussi un raisonnement sur la nature du mental humain lui-même, sur ses capacités logiques et rationnelles, et sur ses limites (Random, 1996). Cette ultime avenue désignée par la transdisciplinarité attire notre attention dans le contexte actuel où la survie de l’être humain est tributaire d’une répétition sans différence, inévitable : naissance – production – consommation – mort (Random, 1996). Nous nous questionnons sur la manière dont la transdisciplinarité dénote le changement de ce paradigme existentiel.

Selon Morin, lorsqu’un paradigme change, les prises de conscience s’accélèrent, les incertitudes progressent, les systèmes régularisés se déstabilisent, l’imagination et la recherche trouvent des solutions nouvelles (Morin, 2011, 2012). L’auteur voit trois options qui s’offrent à un système en changement : 1) il se désintègre; 2) il régresse et 3) il se recrée depuis lui-même en un système plus riche capable de traiter les problèmes à un niveau supérieur de complexité, et il devient donc un métasystème impliquant une métamorphose; tout en restant le même, il devient autre (Morin, 2012).

La transdisciplinarité est en ce moment un tel méta-système qui incarne la métamorphose du système universitaire qui, tout en restant le même, devient autre.

La métamorphose révélée par la transdisciplinarité est nécessaire, voire inévitable actuellement, où, d’une part, le développement accru de la technologie et de l’intelligence artificielle (IA) creuse l’écart entre l’Objet d’étude et le Sujet (être humain) qui l’étudie et, d’autre part, les savoirs continuent à se fragmenter pour être emprisonnés dans des disciplines (souvent divisées à leur tour en sous-disciplines ou sous-spécialisations) qui rendent la communication entre les spécialistes de plus en plus difficile, même au sein d’un seul champ d’études. Ces conditions montrent le fait que « progressivement le savoir échappe à l’être humain et à la science même » (Random, 1996).

Or, la transdisciplinarité détient les outils logiques, méthodologiques, ontologiques, pour faire en sorte que les savoirs demeurent une possession de l’être humain et pour qu’ils continuent à exprimer le potentiel de celui-ci. Elle le fait en traversant des disciplines pour résoudre des problèmes complexes qu’une seule discipline ne saurait résoudre à elle seule, mais aussi et surtout par la valorisation du Sujet (être humain) face à l’Objet étudié. La transdisciplinarité favorise la prise de conscience « qu’entre le savoir et la compréhension il y a [encore] l’être humain. » (Nicolescu, 2016)

Ainsi, la transdisciplinarité favorise une éducation profonde (Chan cité dans McGregor, 2017). Celle-ci concerne l’être humain au complet, elle n’est plus centrée uniquement sur des objets d’étude extérieurs à l’humain. Elle vise un sens profond d’identité humaine et présuppose une reconsidération de la manière dont l’être humain voit sa réalité à partir des disciplines qu’il étudie, à partir des professions qu’il exerce. Les personnes étudiantes ont besoin aujourd’hui plus que jamais d’une vision unifiante des savoirs, tout comme elles ont besoin de comprendre où elles se situent elles-mêmes dans cette vision. L’enseignement supérieur, à travers ses programmes et ses cours, doit engager la recherche « du sens profond de l’humanité et de l’être humain. » (McGregor, 2017). À l’heure de l’essor de l’intelligence artificielle (IA) dans tous les domaines de la vie, à l’heure où l’incertitude et l’imprévu peuvent surgir à tout moment, l’enseignement supérieur ne peut plus fournir uniquement un cadre normatif centré exclusivement soit sur la formation professionnelle, soit sur la recherche, sans se préoccuper du développement intégral de l’être humain. Une éducation profonde est fondée sur un apprentissage transdisciplinaire où l’on acquiert des habitudes d’une pensée spécifique, intégrative des savoirs (McGregor, 2017), mais aussi une pensée intégrative de son propre être face à ces savoirs.

La fonction principale de la transdisciplinarité est de faire coexister deux transgressions au contact des savoirs : au niveau disciplinaire et au niveau de l’être humain, rétablissant ainsi le rapport entre l’Objet d’étude et le Sujet qui l’étudie.

Afin de restituer à la transdisciplinarité son pouvoir effectif de changer et de faire évoluer les savoirs au lieu de les observer ou les commenter uniquement (Gibbs, 2020), nous l’avons étudié dans ce colloque à travers des expériences et des expertises acquises en recherche, en enseignement, en apprentissage, en création de programmes/formations transdisciplinaires ou en gouvernance depuis une perspective d’éducation comparée (Canada francophone et Europe).

Ainsi, dans une perspective ouverte d’accueil des savoirs des autres, de domaines parfois bien différents des siens, une communauté d’échange très enrichissante s’est créée, autant au niveau professionnel, qu’humain. Trois grandes sections se sont précisées autour de la transdisciplinarité :

  1. La section « Théorie-épistémologie-philosophie » qui réunit les articles de Florent Pasquier, Mirella Tarmure Vadean, Déborah Nourrit et Laura Ilea.
  2. La section « Science et art de l’être humain » qui regroupe les articles de Chérif Matta, Ilian Cruz-Panesso, Florence Vinit, Sylvie Bergeron, et Matisse Makwanda/Julia Hall.
  3. La section « Expériences pédagogiques et création curriculaire » qui ressemble les articles de Selma Zaiane-Ghalia, Mattia Scarpulla Gradora Molaire/Isaac Kenaan et Hela Zahar.

Section théorie-épistémologie-philosophie

Florent Pasquier, le président du Centre international de recherche et études transdisciplinaires (CIRET) de Paris, trace, depuis une perspective historique, le cadre de l’état actuel de la transdisciplinarité, en ouvrant l’horizon de sa présence en milieu universitaire, mais aussi hors universités. Le développement théorique et institutionnel de la transdisciplinarité lui a ouvert les portes de la pédagogie et lui a permis de créer une nouvelle méthode, « la pédagogie P4i : intégrative, implicative, intuitive et intentionnelle », à travers laquelle le développement personnel du Sujet (être humain) est valorisé autant que son développement professionnel, vers un meilleur devenir collectif. Pasquier souligne également la nouvelle perspective technontologique avec laquelle nous nous confrontons actuellement. Celle-ci vise les dispositifs technologiques qui impactent les dimensions ontologiques de l’être et appelle à un urgent questionnement éthique. La transdisciplinarité peut être d’utilité pour proposer des solutions. Finalement, l’auteur mentionne l’importance d’envisager les approches transdisciplinaires en complémentarité avec les approches transpersonnelles dans le changement de paradigme que nous traversons, où « il faut passer de « ou » (choix) à « et » (union) ».

Mirella Tarmure Vadean se penche sur le concept de « personne frontière » dont elle indique le manque face au concept d’« objet frontière » qui fait fortune dans le milieu de la recherche depuis une trentaine d’années. Selon l’autrice, la « personne frontière » se dévoile à la limite entre l’ancien paradigme (encore présent) et le nouveau paradigme (à venir encore), entre l’individuel et le collectif, entre l’université et la société. Après avoir légitimé la « personne frontière » comme Sujet transdisciplinaire, elle examine quelques-uns de ses attributs face au savoir (connaissances), savoir-faire (compétences), savoir-être (valeurs) et au savoir-devenir.

Déborah Nourrit étudie les tentatives de formalisation et implicitement de figement de la transdisciplinarité en montrant, à son tour, que toute tentative de discipliner, dans le sens de « qui discipline » de Foucault, nous déroute bien plus qu’elle ne nous aide, nous écarte des nuances et du plein potentiel de la démarche en soi de réfléchir, et nous enferme dans des cases fausses et improbables qui institutionnalisent les savoirs (inter, pluri, multi, trans, etc.). L’autrice recense et présente « 34 formes et conditions de travail collaboratif différentes entre disciplines scientifiques », qui rendent difficile la collaboration au sein des projets de recherche. De ce fait, en évoquant les écrits d’Edgar Morin, l’autrice plaide pour une pensée qui intègre le flou, le varié, le variable, l’ambigu, l’aléatoire, l’incertain. Elle propose l’« interalogie » (avec au cœur le concept d’« interalité ») comme meilleur concept pour étudier la dialogique entre relation et séparation face à tout objet d’étude.

Laura T. Ilea se propose d’élargir la compréhension du non-humain associé à l’instinct, concept compris dans le sens de « vecteur structurant qui précède nos agencements humains », dans un contexte actuel dominé par la crise environnementale, l’évolution des biotechnologies, ou la croissance des algorithmes face à l’intelligence humaine. Elle déploie sa réflexion dans un espace transdisciplinaire traversant sciences naturelles et réflexion philosophique.

Section science et art de l’être humain

Chérif Matta décrit les réseaux et les graphes scientifiques comme des collections d’objets – nœuds ou sommets interconnectés, dans des systèmes qui s’autoajustent. Il montre comment une théorie à l’origine mathématique pénètre en chimie pour éclairer les molécules au niveau atomique – où nous observons un réseau de particules en interaction continue. De la chimie quantique aux neurosciences, à la psychologie, à la sociologie, ou dernièrement à l’IA, l’auteur propose de comprendre la vie comme un immense réseau duquel nous faisons partie, que nous traversons, et que nous transgressons aussi, en « sautant » d’un niveau de réalité à l’autre, de manière fondamentalement transdisciplinaire.

Ilian Cruz-Panesso présente la confiance et l’empathie comme des compétences attitudinales et émotionnelles qui se développent lors d’une interaction interprofessionnelle en sciences médicales entre médecins, infirmières et pharmaciens grâce à une attitude de traversée des champs disciplinaires précis « en regardant par la fenêtre » d’autres professions et disciplines. Elle scrute, à travers son étude, le sens du regard (entendement). L’autrice présente un modèle inédit de pédagogie transdisciplinaire appelé « le modèle des fenêtres interprofessionnelles » qu’elle a cocréé avec ses collègues et qu’elle a mis en place. Il souligne l’importance du Sujet (l’être humain) dans le processus d’apprentissage par simulation face à l’Objet (qui est ici une situation complexe). Ce modèle renvoie directement aux concepts philosophiques de monade de Leibniz ou de Dasein de Heidegger. En tant qu’êtres humains et Sujets transdisciplinaires, nous coexistons à deux niveaux de réalité : l’un intérieur à nous-mêmes et l’autre extérieur, parmi les autres spécialistes.

Florence Vinit plonge davantage dans l’espace intérieur du Sujet (être humain) pour le comprendre à la lumière des Objets (événements extérieurs). Ces événements, sociaux ou individuels heurtent directement l’être humain et peuvent affecter son rapport au monde et à son identité. En prenant ses distances d’une analyse physiologique ou phénoménologique, Vinit interroge le point de vue scientifique, du clinicien, qui est, à son tour, un Sujet en action. Ce point de vue est saisi aux confins des paradigmes scientifiques et sociaux pour faire une expérience transdisciplinaire du seuil, de la frontière entre les mondes professionnels et disciplinaires.

Sylvie Bergeron explore, depuis une perspective transdisciplinaire, le tout nouvel environnement bionumérique qu’elle définit « comme fusion entre systèmes biologiques et technologies numériques ». Dans ce contexte, l’autrice montre l’urgence de bien situer l’être humain devant la machine, ou l’intelligence humaine face à l’intelligence artificielle, qui est « avantagée » par la prévisibilité. Bergeron attire l’attention sur l’effondrement des valeurs humanistes à cause d’un manque de connaissance profonde de l’être humain, autant au niveau individuel, que collectif. Cela mène nos institutions à une impasse faute de savoir comment aborder et traverser aujourd’hui le changement de paradigme. Elle propose une nouvelle transdiscipline scientifique, la psychologie évolutionnaire, dont elle se sert pour mettre les bases d’un nouveau programme de développement de l’être en tant qu’engagement social.

Julia Hall et Matisse Makwanda exposent leur expérience en tant qu’artistes co-fondateurs d’un atelier-entreprise de création. Vivant l’art « comme mode de connaissance » et d’existence, les auteurs présentent une esthétisation du tiers inclus, concept central de la transdisciplinarité qui unit au-delà des oppositions et dualités. Ils incarnent aussi une étroite relation Sujet-Objet qui se déploie sur une période de plus de sept ans de partenariat autour de missions, valeurs, visions et pratiques communes qui dévoilent une harmonie relationnelle. 

Section expériences pédagogiques et création curriculaire 

Selma Zaiane-Ghalia présente le parcours pédagogique complexe mis en place dans un cours transdisciplinaire de loisir thérapeutique, où santé et mieux-être s’entrecroisent. L’autrice aborde le rôle du professeur-médiateur des savoirs qui encourage les personnes étudiantes à construire et déconstruire leurs propres savoirs, et à développer des compétences qui leur permettent de répondre « aux besoins évolutifs de la société ». À l’aide d’une triple approche qualitative, descriptive et autobiographique, Zaiane-Ghalia questionne l’apprentissage immersif transdisciplinaire en santé, axé davantage sur le parcours évolutif de l’étudiant.e en tant que personne humaine que sur le produit final.

Mattia Scarpulla retrace le parcours de développement de ses recherches-créations sur les sept dernières années, notamment à travers ce qu’il appelle « pédagogie de la rencontre ». Qu’il s’agisse d’ateliers transdisciplinaires édifiés en création littéraire augmentée par des pratiques somatiques, ou en création et action sociale, l’auteur évalue l’efficacité du transfert des outils d’une discipline à un autre cadre pédagogique. Le but de sa démarche est de conscientiser les participant.e.s à l’écriture comme profession ou comme moyen d’interaction avec les autres. Une place importante dans sa démarche est accordée à la spontanéité, à l’inattendu, des caractéristiques soulignées par la transdisciplinarité du côté de l’être humain (à l’opposé de la prévisibilité de la machine) et qui font de ses méthodes de véritables innovations.

Gradora-Uniah Molaire et Isaac Keenan, étudiants au Baccalauréat à l’Université de l’Ontario français présentent leur expérience d’apprentissage des cours sur la transdisciplinarité, leur permettant d’intégrer une pensée complexe. Conçu sur le modèle d’un tiers-lieu accueillant des personnes étudiantes des quatre pôles d’études en sciences humaines et sociales : Études des Cultures numériques, Études des Environnements urbains, Études de l’Économie et innovation sociale et Études de la Pluralité humaine, ce cours de trois ans les expose à un apprentissage expérientiel autant sur le plan disciplinaire que sur le plan humain. Les activités interactives et les projets qu’ils réalisent à la fin de chaque session les invitent à se situer eux-mêmes en tant qu’êtres humains par rapport aux objets étudiés.

Hela Zahar présente la création d’un nouveau programme de Baccalauréat spécialisé en études des cultures numériques, au sein de la première université francophone en Ontario : l’Université de l’Ontario français (UOF). La visée de ce nouveau programme est « d’étudier les changements culturels engendrés par les technologies numériques ». La transdisciplinarité est le fil conducteur qui traverse tous les cours de ce programme, ainsi que les cours d’autres pôles de l’université. L’autrice présente les démarches de l’équipe des enseignant.e.s, qui agit dans une logique d’approche-programme et de synergie professorale pour mettre en place des approches pédagogiques expérientielles, notamment l’ « approche par problème ». Zahar analyse le défi qui exige une conciliation permanente entre ancrage disciplinaire et ouverture transdisciplinaire pour réaliser un pont entre université et société, et pour traiter des enjeux et des problèmes issus du monde réel.

Chacun des articles présentés dans ce collectif représentant les Actes de notre colloque expose la manière dont nous relions les savoirs (connaissance, savoir-faire, savoir-être, savoir-devenir) à notre vécu, réalisant ainsi un lien direct entre Objet d’étude et Sujet. Comme le mentionne Morin, la raison principale des savoirs n’est pas celle de nous enfermer dans des parcelles bien délimitées, fragmentées et fragmentaires de sens (Morin, 2012). Les savoirs doivent nous aider à nous comprendre nous-mêmes face aux autres et parmi les autres. C’est à cet exercice que nous nous sommes livrés lors de ce colloque, exercice qui se trouve transposé dans ces Actes.

Les auteurs (en ordre de l’apparition des articles dans les Actes) :

1. Florent Pasquier, professeur HDR, Sorbonne Université, Paris, France. Président Centre International de Recherche et Études Transdisciplinaires (CIRET) Paris.
2. Mirella Tarmure Vadean, PhD, professeure associée Université de l’Ontario français, Toronto, Ontario, Canada et chercheure régulière au Centre International de Recherche et Études Transdisciplinaires de (CIRET) de Paris.
3. Déborah Nourrit, maitre des conférences MCF, laboratoire EuroMov DHM, Univ Montpellier, IMT Mines Ales, Montpellier, France.
4. Laura T. Ilea, PhD, professeure agrégée au Département de littérature comparée, Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie.
5. Chérif F. Matta, PhD, professeur titulaire et directeur du Département de chimie et physique, Université Mount Saint Vincent – Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada.
6. Ilian Cruz-Panesso, conseillère principale en pédagogie et recherche à l’enseignement par simulation, Centre d’Apprentissage des Attitudes et habiletés Cliniques (CAAHC), Faculté de Médecine, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada.
7. Florence Vinit, PhD, professeure, Département de psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM), Québec, Canada.
8. Sylvie Bergeron, professeure de psychologie évolutionnaire et fondatrice de l’Observatoire de psychologie évolutionnaire, Montréal, Québec, Canada.
9. Julia Hall et Matisse Makwanda, artistes transdisciplinaires, cofondateurs de l’atelier-entreprise VÆNTRAL, Montréal, Québec, Canada.
10. Selma Zaiane-Ghalia, professeure agrégée, École de kinésiologie et de loisir, Université de Moncton, Moncton, Nouveau-Brunswick, Canada.
11. Mattia Scarpulla, PhD, chercheur postdoctoral, École d’innovation sociale Élisabeth-Bruyère, Université Saint-Paul, Ottawa, Canada.
12. Gradora-Uniah Molaire, étudiante en Études des cultures numériques, Université de l’Ontario français, Toronto, Ontario, Canada & Isaac Keenan, étudiant en Études des environnements urbains, Université de l’Ontario français, Toronto, Ontario, Canada.
13. Hela Zahar, PhD, professeure agrégée et responsable du Pôle d’études et de recherche en cultures numériques, Université de l’Ontario français, Toronto, Ontario, Canada

Bibliographie sélective

Ouvrages sur la transdisciplinarité

  • Dedeurwaerdere T (2022), Inter et transdisciplinarité à l’heure des transitions, https://www.youtube.com/watch?v=qje5TAMBoPc
  • De Freitas L, Morin E & Nicolescu B (1994), « La Charte de la transdisciplinarité », https://ciret-transdisciplinarity.org/chart.php
  • Gibbs P & Beavis A (2020), Contemporary Thinking on Transdisciplinary Knowledge: What Those Who Know, Know,
  • Jahn T (2008), « Transdisciplinarity in the practice of research ». In Bergmann M, Schramm E (eds), Transdisziplinäre Forschung: Integrative Forschungsprozesse verstehen und bewerten, Frankfurt/Main, Germany Campus Verlag, p. 2137. http://www.isoe-publikationen.de/uploads/media/jahn-transdisciplinarity-2008.pdf
  • Kesteman J-P (2004), « L’Un, le Multiple et le Complexe. L’Université et la transdisciplinarité », A Contrario 2, no 1, p. 89108.
  • McGregor SLT (2017), « Transdisciplinary Pedagogy in Higher Education: Transdisciplinary Learning, Learning Cycles and Habits of Minds », in Paul Gibbs Editor Transdisciplinarity Higher Education, Springer International Publishing, p. 3-16.
  • Nicolescu B (1996), La transdisciplinarité. Manifeste, Monaco, Éditions du Rocher, Transdisciplinarité.
  • Nicolescu B (2016), Le Tiers caché dans les différents domaines de la connaissance, Le Bois d’Orion, Sagesse.
  • Pasquier F (2017), « La Transdisciplinarité, combien de divisions ? » Harmattan, L’Année de la Recherche en Sciences de l’Éducation. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02146462/document
  • Random M (1996), La pensée transdisciplinaire et le réel, Paris, Dervy.

Autres ouvrages

  • Bergeron S (2020), Humains ou IA, qui aura la première place ? Montréal, La Guaya.
  • Chan R, Brown GT & Ludlow L (2014), « What is the purpose of higher education? A comparison of institutional and student perspectives on the goals and purposes of completing a bachelor’s degree in the twenty-first century», Philadelphia, PA.
  • Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle https://www.declarationmontreal-iaresponsable.com/la-declaration
  • Déclaration sur l’être essentiel https://connexion-u.org/declarationsurletreessentiel/
  • Deleuze G & Guattari F (1972), L’Anti-Œdipe, Paris, Minuit.
  • Deleuze G & Guattari F (1980), Mille plateaux, Paris, Minuit.
  • Derrida J (1967), De la grammatologie, Paris, Minuit.
  • Gibbons M, Limoges C, Nowotny H, Schwartzman S, Scott P & Trow M (1994), The new production of knowledge. London, Sage Publications.
  • Häberli R, Thomson Klein J, Scholz RW, Grossenbacher-Mansuy W, Bill A& Welti M (2000), « Häberli, R., Bill, A., Grossenbacher-Mansuy, W., & Klein, J. T. Summary », in Transdisciplinarity: Joint problem solving among science, technology, and society, Berlin, Birkhäuser Verlag., p. 35.
  • Jahn T (2012), Transdisciplinarity as a research practice to approach sustainability challenges: A social-ecological perspective, paper presented at the Leuphana Sustainability Summit, Lunenburg.
  • Kraak A (2000), « Gibbons, M. Appendix: Some attributes of knowledge production in mode 2 », in Changing modes, Pretoria, South Africa, HRSC Press., p. 113140.
  • Kraak A (2000), « Gibbons, M. Universities and the new production of knowledge: Some policy implications for government », in Changing modes, Pretoria, South Africa HRSC Press, p. 3444.
  • Landry T (1996), « L’alterdisciplinarité », Transactions identitaires, 18, no 2, p. 15770.
  • Morin E (2014), Réformer la pensée, réformer l’éducation, Grenoble, https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=edgar+morin+r%c3%a9former+la+pens%c3%a9e+conf%c3%a9rence&mid=666097052B188A04253B666097052B188A04253B&FORM=VIRE.
  • [s.a] (2012), Edgar Morin- Les sept réformes nécessaires au XXIe siècle, partie 2, Vidéo. KipUNchannel – Knowledge Information Policies, and Territorial Practices for the United Nations Millennium Platform, https://www.youtube.com/watch?v=dLTzVPmitlg
  • Morin E (2011), La Voie. Pour l’avenir de l’humanité, Paris, Fayard.
  • Morin E (2005 [1990]), Introduction à la pensée complexe, Paris, Seuil.
  • Morin E (1999), « Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur – UNESCO ». Seuil. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000117740_fre.
  • Morin E (1990), Science avec conscience, Paris, Fayard, Points.

[1] Organisme à but non lucratif contribuant à l’avancement des sciences au Québec, dans la francophonie canadienne et sur la scène francophone internationale. https://www.acfas.ca