La vie créative de l’instinct. Quel rôle pour l’humain à l’intérieur du tournant Non-Human?

Autrice: Laura T. Ilea
Professeure agrégée, Département de littérature comparée, Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca
laura.ilea@ubbcluj.ro

Résumé : Le début du XXIe siècle se voit confronté aux problématiques éthiques extrêmement concrètes: la crise environnementale, les bouleversements des populations, les biotechnologies, la neurodiversité, ainsi que les algorithmes qui bouleversent l’intelligence naturelle. Dans ma démarche, je partirai du texte écrit par Brian Massumi, « The Superhuman Animal » du volume The Non-Human Turn, qui pourrait constituer une porte d’entrée pour un espace de réflexion transdisciplinaire où les sciences naturelles se mêlent avec la méditation philosophique (puisque Massumi invoque des biologistes comme Darwin, Tinbergen, Perdeck, Ruyer, mais aussi des philosophes comme Bergson, Whitehead, Deleuze, Guattari, W. James et Simondon). L’idée centrale du texte est celle d’élargir notre compréhension de l’instinct, de ce qui est non-humain, dans la direction d’un vecteur structurant qui précède nos agencements humains, et qui se trouve au-delà de l’adaptation purement mécaniciste de Darwin. Si Massumi a raison, la théorie dichotomique qui oppose l’intellect à la matière inanimée et à l’instinct est redéfinie dans la direction de la spontanéité, d’un pouvoir immanent d’invention supernormale, d’une propulsion affective, du désir (Deleuze et Guattari) comme principe immanent de sélection, comme un art vital.

Mots-clés : humanisme, tournant non humain, instinct, désir, art vital

La tradition classique de la philosophie traite l’humanisme comme étant le couronnement de la réflexion sur l’humain au centre de la création. Heidegger considérait déjà l’homme comme « formateur de monde » (weltbildend), l’animal comme « pauvre en monde » (weltarm) et la plante comme « manquant de monde » (weltarm) (Heidegger, 1980). Bien sûr, dans ce paradigme, la formation du monde passe par la pensée et par le langage, centrales au projet humaniste. Mais la formation du monde passe également par la volonté prométhéique de le changer, de l’artificialiser, de le transformer à son image. Donc, par un processus violent.

Toute la pensée de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle témoigne de la crise de cet imaginaire, où l’on comprenait clairement que la fondation humaniste de la pensée commençait à chanceler. Par conséquent, le surhomme de Nietzsche apparut comme symptôme d’une volonté de trouver de nouvelles voies pour un humain entendu comme un être damné. Les grandes révolutions – politique et artistique – du début du XXe siècle vont main en main (Badiou, 2005)[1], toutes les deux étant ancrées dans le désir de reformuler la substance humaine en profondeur. Ensuite l’éthique éminemment humaine est bouleversée par les paradigmes de l’absurde, de la liberté sans issue, d’un homme vidé par la virulence de sa propre liberté. Le début du XXIe siècle s’est vu en revanche confronté aux problématiques extrêmement concrètes, où l’enjeu éthique est revenu dans le débat. Nous sommes placés face aux crises factuelles : La Terre (décrite comme Gaia) s’est retournée contre l’homme sous forme de figure de la vengeance (Médéa)[2], dans la crise environnementale ; les bouleversements des populations ont fait émerger des discours extrémistes – la guerre et le populisme – ; les biotechnologies ont soulevé des problèmes insolubles quant aux limites de la vie et de la mort, ainsi qu’à la neurodiversité. Les prothèses at les algorithmes bouleversent l’intelligence naturelle.

Afin de discuter le nouveau paradigme dans lequel j’aimerais placer ma discussion, je partirai du texte écrit par Brian Massumi, « The Superhuman Animal » du volume The Non-Human Turn, qui pourrait constituer une porte d’entrée pour un espace de réflexion transdisciplinaire où les sciences naturelles se mêlent avec la méditation philosophique (puisque Massumi invoque des biologistes comme Darwin, Tinbergen, Perdeck, Ruyer, mais aussi des philosophes comme Bergson, Whitehead, Deleuze, Guattari, W. James et Simondon). L’idée centrale du texte est celle d’élargir notre compréhension de l’instinct, et donc de ce qui est « non-humain » dans la direction d’un vecteur structurant qui précède nos agencements humains au-delà de l’adaptation purement mécaniciste de Darwin. Si l’auteur a raison, toute la théorie dichotomique qui oppose l’intellect à la matière inanimée et à l’instinct est redéfinie dans la direction de la spontanéité, d’un pouvoir immanent d’invention « supernormale », d’une propulsion affective, du désir (Deleuze et Guattari) comme principe immanent de sélection.

La vie créative de l’instinct est un art vital (Ruyer). Le corps humain se trouve donc dans un continuum animal, non seulement du point de vue biologique de l’adaptation, mais plutôt du point de vue d’un instinct « supernormal » : « C’est lorsque l’humain assume son excès immanent d’animalité qu’il devient d’autant plus lui-même. Brillamment ainsi[3] ».

Puisque j’ai déjà mentionné Nietzsche, je devrais ajouter qu’il a été le penseur qui a le plus réfléchi sur la notion de pouvoir comme un hacker, ayant inculqué à l’humanité le virus séducteur de la philosophie. Son esprit retentit rarement à notre époque, comme l’esprit de quelques importants « perturbateurs » (Simone Weil, Pascal, Augustine, Cioran, Kierkegaard), comme les appelle Costica Bradatan, dans son livre In Praise of Failure : Four Lessons in Humility (Harvard, 2023)[4]. Ces grands « perturbateurs » (unsettlers) nous proposent une expérience étrange de la pensée, dans laquelle nous pourrions, à la rigueur, imaginer notre inexistence, notre « presque rien », notre « proximité du néant » (close-to-nothingness). George Carlin, un stand-up comédien, dans son sketch Save the Planet, nous dit : « Quelle arrogance! Sauvez la planète! Mais la planète n’a pas besoin d’être sauvée. Elle est là depuis des millions d’années, tandis que nous, ça fait à peine des dizaines d’années que nous arpentons ses sentiers. Elle s’en est sortie pas mal sans nous et s’en sortira de même quand nous disparaitrons ». Ce constat, le risque extrême de la disparition humaine (pris en calcul par les recherches menées par The Center of the Study of the Existential Risk de Cambridge et par le Future of Humanity Institute d’Oxford), est un point de départ fondamental tant pour l’esprit critique du XXIe siècle que pour le tournant non humain, qui imagine des pulsions créatrices dépassant l’intentionnalité et la conscience humaines.

La pensée humaniste a longtemps tourné autour de la conscience, de la volonté et de l’intentionnalité humaines. Par contre, du point de vue non-humain, global, c’est nous qui sommes concernés par la destruction de la planète, et non pas la planète, qui va se régénérer certainement. En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas saisir le deep time ; pour les humains, chaque changement signifie chaos. Pourtant, nous ne pouvons pas nous empêcher de puiser dans le passé, parce qu’en prenant soin du passé, nous prenons également soin de nous.

Avant de traiter frontalement le problème de l’« instinct surabondant » chez Massumi, j’aimerais m’attarder sur l’expérience fondamentale de l’échec, des ruines, qui pourrait devenir un renforcement pour l’action. Afin de pouvoir rencontrer les choses et les autres, nous devons absolument, affirme Bradatan, passer par les cercles de l’échec (Bradatan, 2023, p, 46). Par contre, les projets prométhéiques, qui négligent l’échec, en mettant exclusivement l’accent sur la conquête, ne rencontreront pas les choses, telles qu’elles se montrent dans leur vulnérabilité.

L’expérience qui saisit l’insignifiance à l’intérieur des choses, des projets politiques, des relations avec les autres et de la mortalité fait en sorte qu’un jour on puisse rencontrer les choses. Iris Murdoch, citée dans le livre, l’affirme : « L’humilité, parce qu’elle se voit comme rien, peut voir les autres choses telles qu’elles sont[5]» (Bradatan, 2023, p. 46). Au lieu de se déclarer comme une approche nihiliste, cette expérience de l’insignifiance ontologique conduit vers un supplément d’action et surtout vers une ouverture envers de nouvelles perspectives pour aborder la vie.

Il faut donc passer par plusieurs ordres de la destruction, afin que notre regard sur le monde s’affine, surtout que l’expérience de l’insignifiance est intimement liée à celle des ruines. Le premier ordre est celui de la destruction des objets, qui se soustraient à notre contrôle. Il y a une certaine déchirure à chaque fois que nous témoignons de la destruction des choses. Ensuite il y a nos interactions avec la cité (polis), parce que nous ne pouvons pas vivre en l’absence de la communauté. Il s’agit d’une action la plupart du temps tolérable, catastrophique, mais toujours révélatrice. Il est fort probable que nous ne sortions pas vivants des ruines, mais si nous sortons, nous sortons toujours avec un matériel plus raffiné. C’est ce qui prouve la valeur thérapeutique des catastrophes politiques, où le poison est en égale mesure pharmakon. Les guerres, les épurations ethniques, les génocides nous prouvent la destructibilité inhérente à la nature humaine et aux actions que l’être humain entreprend. Les échecs politiques sont intellectuellement humiliants et moralement handicapants parce qu’ils mettent en lumière l’animal politique déchainé et le spectacle d’une humanité violente qui nous enseigne le savoir brutal de la récurrence de cette violence – le polemos, la destruction au cœur du devenir : « Tous les humains sont mortels, mais les Hitler et les Stalin de notre monde ne meurent pas réellement ; ils ne font que changer de noms[6]» (Bradatan, 2023, p. 159).

Nietzsche parlait de la conscience par le biais du stade non encore achevé de l’évolution biologique, pas encore adapté à la vie ; et dangereux pour l’humain. En renversant l’ordre de la réflexion, le tournant non humain intègre la conscience dans un ordre plus enveloppant, en n’oubliant pas que si l’humain est depuis quelque temps sur Terre, les vecteurs de l’évolution se sont développés en son absence, plus ou moins de façon intentionnelle. C’est la thèse – assez étrange pour les adeptes de l’humanisme en tant que tel – de Brian Massumi, qui la reprend à Raymond Ruyer : « la morphogenèse est toujours conscience »[7] (Massumi, 2015, p. 2 apud Ruyer, 1958, p. 238, 260). Une affirmation étrange parce qu’elle donne à penser que le stéréotype adaptatif de l’évolution pourrait acquérir la beauté de l’esthétique. Il semble que l’instinct dépasse son but de manière récurrente. Il recouvre une pulsion vers l’excès, donc dès le début il dépasse sa fonction purement darwiniste, adaptative. Il exprime une beauté différente, qui n’est pas celle de l’utilité, mais d’une esthétique de la création tout à fait inattendue. Gilles Deleuze, Félix Guattari, Raymond Ruyer et Étienne Souriau, auteurs mentionnés par Massumi, font le lien entre l’animal et la théorie de l’art. Bizarrement, la théorie darwiniste adaptative, consolidée uniquement par l’instinct, est remplacée, ou mieux, complétée par le concept de devenir, dans le sens de l’urgence créative. L’artiste qui saisit l’émergence des choses, leur improbable plongée dans l’existence, saisit également leur devenir animal : « Peut-il, ce devenir, cette émergence, être appelés art ?[8]» (Massumi, 2015, p. 2).

Si on fait l’équivalence entre le devenir non humain et l’art, il nous faudrait alors un autre terme qui devrait remplacer celui de l’instinct. Notamment, l’expression. Comment font – ce qui est humain et ce qui ne l’est pas – chacun à sa manière, pour participer à ce devenir expressif, afin d’affirmer que la conscience et la vie forment un entier? Il faut donc re-signifier l’instinct.

Le fait de re-signifier l’instinct se déploie toujours dans la direction d’un dynamisme « supernormal » : une excrescence par rapport aux normes comportementales. La tendance supernormale s’impose de l’intérieur, comme une dimension inhérente à la situation. Ce qui est extrêmement intéressant, exprimé d’ailleurs par le philosophe de la science Raymond Ruyer, c’est qu’il y a un élément imprévisible dans l’instinct, qui n’a rien à voir avec la dimension extérieure des accidents, mais avec l’expérience intrinsèque de sa dynamique expérientielle, de sa spontanéité. Pour Deuleuze et Guattari, tout autant que pour Ruyer et Bergson, il y a une dynamique générative de variation au-delà de l’accident, un principe positif de sélection générative de formes, qui dépasse l’adaptation sélective aux conditions extérieures.

Le point central de la démonstration de Massumi insiste sur le fait que, aux demandes de la pression sélective, l’instinct oppose le pouvoir immanent d’une invention supernormale. Ce qui veut dire, sur les traces de Bergson, que l’instinct est plutôt joué que représenté. La nécessité aveugle de l’adaptation mécaniciste représente juste la moitié de la narration. Selon Ruyer, le comportement instinctif est caractérisé par une improvisation induite. Deleuze et Guattari l’appellent involution créative, tout en faisant référence à l’évolution créative de Bergson.

La tendance vers le supernormal est donc un vecteur, qui n’est pas seulement orienté, mais également porteur d’une force, qui n’est pas mécaniciste dans le sens pur du terme. Plutôt, la supernormalité est un attracteur qui dirige le comportement dans sa direction, non pas dans la conformité et l’adaptation, mais dans la déformation, dans le surplus, sans une mesure commune. À l’échelle humaine, on pourrait appeler ceci la force du polemos[9], du combat, là où les paradigmes sont déchirés et les forces entropiques se mettent en marche. La supernormalité est une force de propulsion affective. Ainsi compris, l’instinct s’apparente plutôt à la puissance causale interne d’un effet plus qu’à l’agissement d’une variante externe. L’instinct répond à la contrainte extérieure par une autovariation créative, tout en dépassant les limites de la mesure commune.

Deleuze et Guattari ont un terme favori pour la force affective qui presse de manière déformationnelle, créative, au-delà de la mesure commune : le désir (Massumi, p. 9, apud Deleuze, Guattari, 1987, p. 232). Le désir, ainsi compris, est l’autre principe, immanent, de sélection, plus adéquatement employé que le principe d’adaptation mécanique. Le désir presse vers une tendance transformationnelle. Le désir est un vecteur, sans objet particulier, vers l’émergence du nouveau, dans le sens de l’inattendu, de ce qui pourrait, à la rigueur, contredire les lois statistiques. La façon dont nous, en tant qu’humains, percevons cette émergence inquiétante du nouveau se décline à travers le polemos. Sans désir, la vie devient monstrueuse. Le désir est celui qui vectorise, qui donne l’ampleur, mais qui enseigne aussi un sens du devenir par la destruction, dans la direction d’une vie plus exigeante (qui implique des risques et des paris) plutôt que d’une vie plus facile. Par conséquent, les grands perturbateurs mettent en marche l’élément inquiétant de la pensée dans la direction de ce désir instigateur du nouveau.

La vie créative de l’instinct est donc un art vital. L’émergence en tant que telle est celle qui renvoie vers ce que chaque artiste envisage, alors qu’il met en œuvre sa démarche esthétique et cette émergence créative aux mille visages. La différence que je ferais par rapport à la théorie représentée ici par Deleuze et Guattari, par l’entremise de Massumi, est que, alors que l’instinct ainsi compris se refaçonne à l’échelle humaine, il est difficilement saisissable et donc, afin d’avoir accès à ses multiples formes vitales, un processus de destruction se met en marche. Pour exprimer ceci, nous devons nous détacher du domaine du pouvoir, nous devons également témoigner de la destruction des choses, nous devons investir nos énergies vitales afin de mettre en marche ce que j’ai appelé le devenir par destruction – polemos à l’intérieur des choses, afin de choisir une vie accomplie plutôt qu’une vie facile. Et ceci implique des interactions parfois catastrophiques avec les choses, les autres et la cité. Je crains que cette énergie vitale, et donc artistique, de l’instinct ne soit pas investi sans le passage par l’échec. Et que, par conséquent, la conjonction entre l’humain et le non-humain ne se joue pas sur les ondes d’une simple écoute, de la réconciliation et de l’harmonie, mais elle passe, presque tout le temps, par des clivages et des crises. Et ceci, parce que l’équation temporelle qui se déploie est différente dans les deux cas : le temps mortel et fini des humains fait en sorte qu’ils aient accès difficilement à ce que Deleuze et Guattari appellent la force de composition. Massumi se pose la question, sur les traces des deux philosophes mentionnés : « Ce devenir, cette émergence, cette composition animant la genèse de nouvelles formes d’une vie propre et produisant un rendement esthétique, peut-il s’appeler Art ?[10]» (Massumi, 2015, 10).

Dans cette appartenance commune, dans cette proximité entre l’art, l’animal et le devenir, l’auteur affirme que « Ce qui est animal… ou humain en nous est indistinct[11]» (ibid.). Cette convergence est possible, selon l’auteur, parce que leur élément commun s’appelle art et, à partir de là, l’homme a la même tendance vers la supernormalité que l’instinct qui traverse la vie non humaine. Si nous expérimentons ceci dans nos vies désirantes, nous l’appelons de manière arrogante culture, qui est opposée à la nature, et rejetons l’instinct comme s’il ne représentait pas en fait la partie créative, l’émergence du nouveau, bref l’art. Dans cette zone d’indiscernabilité, ce qui est paradoxal c’est le fait que plus nous nous y approchons, plus nous gagnons en distinction.

Alors, pour résumer, afin de contrecarrer l’idée réductionniste impliquée par les processus darwinistes d’adaptation mécaniciste, le vecteur qui remplace ou plus précisément complète la sélection évolutive est représenté par l’instinct, qui est l’art, par sa dimension de désir supernormal – une propulsion affective qui engendre la variation créative, toujours au-delà de la mesure commune. Le désir est un principe immanent de sélection, qui vectorise dans la direction du nouveau.

Sauf que, si je devais poursuivre la démarche de Massumi, qui suit la réflexion de Ruyer, dans la Genèse des formes vivantes, et de Delleuze et Guattari, dans Mille Plateaux, je crois que la porte d’accès à cette émergence de l’instinct ne peut pas s’ouvrir, à l’échelle humaine, qu’alors que nous nous détachons de plusieurs processus de destruction et sommes capables d’appréhender l’ordre des choses en tant que tel. L’humain ne s’intègre pas facilement à sa vicinité avec le non-humain. Même si les mêmes vecteurs les animent, l’échelle est différente, vu la brièveté de la vie humaine par rapport au deep time, le temps du non-humain. L’instinct vital, comme désir et vecteur créateur du nouveau, se trouve toujours en décalage, en avant-scène du polemos. La négation de l’instinct par contre est synonyme de la routine, de la mécanisation, d’une forme de culture qui reproduit des modèles contraignants et le manque d’anticorps à tout ce qui imite la perfection, et qui élude l’apparent chaos de l’instinct.

Bibliographie

Badiou A (2005), Le Siècle, Paris, Seuil.

Bradatan C (2023), In Praise of Failure: Four Lessons in Humility, Cambridge, Harvard University Press.

Delleuze G & Guattari F (1987), A Thousand Plateaus, trad. Brian Massumi, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1987, Version française (1994), Mille Plateaux, Paris, Éditions de Minuit.

Hamilton C, Bonneuil C & Gemene F (2015), The Anthropocene and the Global Environmental Crisis. Rethinking Modernity in a New Epoch, Londres et New York, Routledge.

Heidegger M (1980), Introduction à la métaphysique, Paris, Gallimard.

Massumi B (2015), « The Supernormal Animal », in Grusin R. (dir.), The Nonhuman Turn, Minneapolis, Londres, University of Minnesota Press.

Ruyer R (1958), La Genèse des formes vivantes, Paris, Flammarion.

[1] Dans son ouvrage, Le Siècle, A. Badiou défend la thèse selon laquelle le XXe siècle est dominé en entier par la volonté de reformuler la nature humaine, de faire table rase avec le passé, dont les grandes révolutions – artistique, politique et scientifique – s’ensuivent. Le point surprenant de cette démonstration consiste dans le fait que la même pulsion réformatrice se trouve au cœur des grands avancements, ainsi que de grandes destructions du siècle précédent.

[2] Dans son texte, «Accepting the Reality of Gaia: a Fundamental Shift », in Hamilton C., Bonneuil C. & Gemene F., The Anthropocene and the Global Environmental Crisis. Rethinking Modernity in a New Epoch, 2015, p. 134-145, Isabelle Stengers décrit la Terre non comme une ressource qui devrait être exploitée ou bien comme un miracle qui devrait être respecté et protégé, mais comme une partie active dans un processus qui implique en égale mesure l’activité humaine. La Terre (en tant que Gaia) a été réveillée et ce réveil est irréversible.

[3] “It is when the human assumes its immanent excess of animality that it becomes all the more itself. Brilliantly so.” (Massumi B., 2015, p.10, trad. aut.).

[4] La thèse centrale de ce traité philosophique affirme que la connaissance essentielle des choses, du monde, de la vie politique et de soi-même passe nécessairement par l’expérience des ruines, des débris, qui est le moment où les choses se présentent pour la première fois véritablement devant nous.

[5] “The humble man, because he sees himself as nothing, can see other things as they are.” (trad. aut.)

[6] “All humans are mortal, but the Hitlers and the Stalins of this world never truly die; they only change names” (trad. aut.).

[7] “morphogenesis is always consciousness” (trad. aut.).

[8] “Can this becoming, this emergence, be called Art?” (trad. aut.).

[9] Polemos, le combat, est un concept central à la philosophie grecque, en provenance d’Héraclite, qui le voit comme la loi du devenir, mais aussi comme possibilité de l’équilibre universel, puisqu’en son absence, les contraires auraient tendance à se stabiliser dans une identité glacée. Plus tard, le concept est repris dans la philosophique grecque classique, signifiant désir d’excellence, qui ne s’acquiert pas facilement, mais toujours par un effort accru, en vue de la relation avec soi-même, avec la communauté et le monde (l’univers). Polemos est, d’un certain point de vue, la base de l’éducation, comprise comme agon (compétition qui anime les participants).

[10] “Can this becoming, this emergence, this composition animating the genesis of new forms with a life of their own and producing an aesthetic yield, be called Art?” (trad. aut.).

[11] “What is animal… or human in us is indistinct” (trad. aut.)