Axes de recherche

Action sociale

L’axe Action sociale portera sur l’étude des mouvements sociaux et leurs contributions dans une perspective de changements systémiques. La sociologie des mouvements sociaux offre un champ d’étude riche pour comprendre comment les mouvements sociaux émergent et se développent, tout comme leurs résultats, impacts et conséquences. Les recherches portant sur les dynamiques de protestation, entre mouvements et différentes formes d’autorité offre des perspectives intéressantes pour mieux comprendre la transformation des rapports de force. L’axe Action sociale s’intéressera donc en particulier aux formes d’organisation et d’action développées par les mouvements sociaux permettant de transformer les rapports de force au niveau sociétal. L’ axe Action sociale vise donc à contribuer à la recherche en innovation sociale à travers des analyses cherchant à mieux comprendre le lien entre les mouvements sociaux et les structures de pouvoir systémiques. Ce qui implique de considérer la complexité de l’articulation de différentes dimensions du changement (individuel et structurel) et des différentes sphères sociales (politique, économique, sociale). Les travaux sont divisés en deux principaux volets de recherche :

1. Le volet « Études intersectionnelles des mouvements sociaux » : Ce volet vise à intégrer une perspective intersectionnelle dans les recherches sur les mouvements sociaux pour favoriser une compréhension plus complète des dynamiques de pouvoir dans les organisations des mouvements sociaux comme dans les demandes et dynamiques des rapports entres différents acteurs.

2. Le volet « Savoirs tactiques et stratégiques » : Ce second volet vise autant le développement collaboratif ainsi que le transfert participatif de savoirs dits tactiques et stratégiques par le biais de l’action sociale. Plus particulièrement, les travaux initiaux mettent en dialogue les travaux de la discipline des mouvements sociaux portant sur les répertoires tactiques et du cadrage de l’action collective avec les approches théoriques portant sur la construction rhétorique de la société de l’École de Essex.

Les recherches qualitatives sur les mouvements sociaux seront priorisées transversalement afin d’étudier la complexité des dynamiques de pouvoir entre différents acteurs·rices et comment l’action des mouvements sociaux contribuent à transformer les systèmes d’oppression. Les dimensions matérielles et symboliques seront considérées dans les analyses, tout comme les niveaux individuels et structurel, en particulier leur articulation. L’axe Action sociale nourrit donc les autres axes en liant innovations localisées et transformations sociétales.

Émancipation

L’axe Émancipation se concentrera sur la réflexion théorique et praxéologique. Dans le sillage de la théorie critique classique et ses formulations contemporaines dans une perspective féministe et postcoloniale, l’objectif sera d’approfondir la réflexion sur la nature de l’émancipation aujourd’hui. Cette réflexion sera double : une pensée critique sur la société existante et une tentative de penser ce que serait la société émancipée. D’un côté comprendre les logiques qui bloquent l’émancipation; de l’autre, imaginer, concevoir, créer des modèles, des idées qui la rendrait possible. Cependant, le premier moment devra servir le deuxième, le but est de comprendre ce qui bloque pour avancer des propositions et des projets positifs. Ces travaux s’articulent en deux volets :

  1. Le volet « Analyse critique des systèmes » : Ce volet propose une critique des systèmes d’oppression dans leurs dynamiques et dans les intersections du patriarcat, du colonialisme et du capitalisme. Ce volet propose l’analyse critique des modèles alternatifs ayant déjà été instaurés et des modèles économico-politiques ayant fait l’objet d’ouvrages. L’approche méthodologique favorisée au sein du premier volet est l’analyse de texte.
  1. Le volet « Conception et nouveaux modèles » : Ce second volet porte sur l’idéation d’institutions, de modèles, d’organisations alternatifs. La réflexion porte ici sur la conception de nouvelles institutions politiques et économiques et de leurs liens avec des transformations des rapports sociaux de classe, de genre et de race. Ce second volet comporte également une dimension empirique importante dans l’objectif d’évaluer les possibilités de mise en place de modèles économiques et politiques.
Les choix et la priorisation des travaux de recherche seront basés sur la pertinence pour la transformation sociale et les mouvements qui la portent (movement-relevant theory). Une insistance particulière sera donnée à combler le déficit propositionnel émanant des pratiques liées aux théories critiques ayant privilégiées la critique de la société. En combinant leurs réflexions sur les innovations localisées et les transformations sociétales, chercheur·e·s et praticiens·nes seront ici convié·e·s à répondre à la question : « Mais alors, que proposez-vous si vous souhaitez remplacer le système en place? » Ces travaux entrent en dialogue avec les deux autres axes du Centre. En lien avec l’axe Action sociale, il est notamment question des conséquences que peuvent avoir les objectifs à long terme de transformations sociales sur les stratégies utilisées pour les atteindre. Il est aussi question de la façon dont il est possible d’appliquer certains éléments des propositions de transformation au sein même des mouvements sociaux. En lien avec l’axe Gestion démocratique sont notamment problématisés les liens – actuels comme potentiels – entre l’organisation macro de la société et la gestion micro au sein des organisations.

Gestion démocratique

L’axe Gestion démocratique sera orienté vers la conception et le partage de modèles de gouvernance, d’outils de gestion et de pratiques anti-oppressives favorisant la démocratisation des organisations, collectifs et entreprises œuvrant en innovation sociale. Une intégration étroite entre la théorie et la pratique, l’analyse critique et l’expérimentation collective, visera à favoriser la recherche-action et la création de nouvelles méthodes pour accroître la démocratie en milieu de travail, et ce tant au niveau des structures que des pratiques quotidiennes au sein des organisations. Considérant la complexité des dynamiques organisationnelles et des multiples rapports de pouvoir au sein des organisations, cet axe sera divisé en quatre volets : études critiques en management, autogestion et leadership démocratique, gouvernance démocratique, évaluation de l’impact social.

1. Le volet « Études critiques en management » (Critical Management Studies) analyse les sciences de la gestion, les méthodes de management et la sociologie des organisations avec le prisme des multiples théories critiques : École de Francfort, théories féministes et postcoloniales, poststructuralisme, etc. L’objectif de cette approche critique est de débusquer les rapports de domination et d’oppression au sein des entreprises et des milieux professionnels afin de favoriser le pouvoir d’agir (empowerment) des acteurs et des personnes concernées par les décisions de l’organisation. La compréhension des inégalités (en termes de classe, genre, race, etc.), ainsi que des processus de discrimination, de subordination et d’aliénation permettra de mettre en relief les transformations potentielles des structures et des pratiques dans une perspective d’égalité sociale, de démocratisation et d’émancipation.

2. Le volet « Autogestion et gouvernance démocratique » cherche à développer des outils, des méthodes d’organisation, des techniques de gestion et de résolution de conflits pour accroître l’implication directe des travailleurs et travailleuses au sein des multiples facettes de l’organisation. La recherche-action dans le domaine des approches autogestionnaires et des nouvelles techniques de management collaboratif permettra d’identifier les meilleures pratiques favorisant l’autonomie, le leadership démocratique et les pratiques anti-oppressives au sein des milieux de travail. Au lieu de se limiter au discours dominant de la « bonne gouvernance » calqué sur le modèle de la grande firme ou de l’entreprise privée traditionnelle, la gouvernance démocratique cherche à développer de nouveaux modèles inclusifs, égalitaires et participatifs inspirés des entreprises collectives, des communs et des organisations qui remettent en question les modèles hiérarchiques qui reproduisent la séparation rigide entre les rôles de direction et d’exécution.

3. Le volet « Évaluation de l’impact social » cherche à développer de nouveaux outils, méthodes et instruments de mesure pour évaluer l’impact complexe des organisations sur le plan social, économique, environnemental et démocratique. À l’heure de la prolifération des « mesures d’impact » (analyse coût-avantage, demonstrating value, global reporting initiative, impact reporting and investment standards, social return on investment, etc.), une analyse critique, rigoureuse et systématique des techniques existantes, ainsi que la création de nouveaux indicateurs plus sensibles aux rapports de pouvoir, aux structures de domination, à la dimension démocratique et au changement social, s’avèrent nécessaires pour favoriser l’émergence d’innovations sociales réellement transformatrices.

  L’axe Gestion démocratique devient ainsi le laboratoire des micro-dynamiques organisationnelles permettant de penser depuis la pratique quotidienne autant la construction de mouvements sociaux en Action sociale que le développement de nouvelles institutions à travers l'axe Émancipation.

Pédagogies engagées et pratiques de la recherche

L’axe Pédagogies engagées et pratiques de la recherche : est consacré aux enjeux de pédagogie et aux pratiques de la recherche. Les travaux menés sous cet axe se pencheront sur la manière dont les gestes d’enseignement et de recherche-action menés en collaboration avec la communauté peuvent être mobilisés comme outils pour la transformation sociale à l’intérieur comme à l’extérieur du contexte universitaire. S’intéressant à la recherche et à la pédagogie engagée, à la recherche-action, aux méthode de recherche participatives, s’intéressant également à la collaboration entre la communauté et l’université, à l’apprentissage par l’expérience et aux stratégies pédagogiques anti-oppressives, les recherches menées sous cet axe exploreront comment nourrir l’innovation et la transformation sociale tant dans les salles de classes qu’au sein de toute la communauté universitaire afin de construire des relations fortes et durables entre chercheur.es, praticien.nes et membres de la communautés. Ces recherches nous inviterons à porter une attention toute particulière aux exigences de créativité qui en découlent. Les volets selon lesquels se déclineront cet axe du programme de la recherche sont encore en voie de définition.