L’économie participaliste de Michael Albert et Robin Hahnel

Ce texte fait partie d’un ensemble d’extraits de ma thèse que j’ai légèrement remaniés dans le but de partager des résumés des écrits sur les modèles économico-politiques post capitalistes avec un lectorat francophone. Mon autre objectif est d’intégrer ces textes au projet de recherche sur la planification économique démocratique que je démarre avec le CRITS.

Alors que Castoriadis et Bookchin ont une approche assez générale et large qui inclue ça et là des propositions d’institutions émancipées, les deux auteurs que nous verrons maintenant ont pour but principal affiché de présenter un projet émancipateur cohérent. L’économie participaliste[1] n’est pas un élément d’une pensée plus vaste, c’est le cœur de la réflexion et des publications des auteurs qui l’ont développée. Michael Albert et Robin Hahnel ont accompli cette tâche dans neuf ouvrages majeurs autour desquels gravitent quelques articles et des chapitres d’ouvrages collectifs rédigés de la fin des années 1980 au début des années 2000[2].

Le premier ouvrage qui jette les bases de l’économie participaliste est publié en 1986 par un groupe d’auteurs dont font partie Michael Albert et Robin Hahnel mais aussi Noam Chomsky et d’autres intellectuel-les et militant-es. Il est titré Liberating Theory et pose la théorie sociologique générale, l’holisme complémentaire, autour de laquelle se construira l’économie participaliste. Deux autres ouvrages, qui ont nommé le projet, sont publiés en 1991 par Michael Albert et Robin Hahnel : The Political Economy of Participatory Economics et Looking Forward, Participatory Economics For The Twenty First Century. Trois autres livres ont été publiés par Michael Albert seul, Moving Forward: Program for a Participatory Economy (2001), Parecon : Life After Capitalism (2003) et  Realizing Hopes : Life Beyond Capitalism(2006). Robin Hahnel a également fait paraître trois volumes supplémentaires sur ce même sujet : The ABCs of political economy, a modern approach (2002), Economic Justice and Democracy: From Competition to Cooperation (2005) et Of The People, By The People – The case for a participatory economy (2012). Avant de présenter les principales institutions de l’économie participaliste, il est nécessaire de faire un détour par l’holisme complémentaire, la théorie sociologique qui sert de fondement à l’économie participaliste.

L’holisme complémentaire

L’holisme complémentaire a pour objectif de faire une description de la société en intégrant et en dépassant quatre théories sociales décrites comme monistes : le nationalisme[3], le féminisme, le marxisme et l’anarchisme. Ces théories sociales sont monistes et doivent être dépassées parce qu’elles n’offrent pas une perspective qui permet de rendre avec subtilité la complexité de la société[4].

Qu’est-ce que la société pour l’holisme complémentaire? C’est d’abord un ensemble d’humains nommé le centre[5]. Le centre, c’est tous les humains avec leurs personnalités, goûts et besoins conscients comme inconscients. Ce centre est bordé par une frontière institutionnelle qui lui donne sa forme. Cette frontière est produite par les activités que mènent les humains pour satisfaire leurs goûts, besoins, volontés, etc.[6] La forme prise par l’organisation humaine dans une société vient de ses institutions. Par exemple, si, dans une société, la majorité des humains va aux champs tous les jours, c’est parce que l’agriculture l’exige : l’institution en place pour répondre au besoin de se nourrir. Or, il existe d’autres manières de se nourrir (comme la chasse, la pêche, l’élevage ou la cueillette). Ainsi, ce qui donne forme à la société, c’est la manière dont on choisit de répondre à un besoin partagé par ceux et celles qui composent le centre humain, et ce, en créant une certaine institution[7].

La frontière institutionnelle établit aussi des limites. Une société agricole peut perdre la connaissance des techniques de chasse et n’avoir aucun de ses membres qui la pratique : les institutions transforment et limitent les possibilités des humains. Ainsi, il se pourrait même qu’un humain ayant cultivé la terre toute sa vie n’ait pas le goût de manger de la viande tant il est habitué à un régime composé de céréales et de légumes. Les institutions peuvent donc influencer les goûts et les préférences des individus.

Ces goûts et préférences sont endogènes au système dans lequel elles apparaissent. Par conséquent, il existe une influence mutuelle entre les humains et les institutions. Les activités humaines créent les institutions et celles-ci modifient les possibilités et les goûts des humains.[8] « It follows that if institutions offer only a limited number of roles through which we may gain access to means of survival and fulfillment, most of us will naturally and inexorably mold ourselves to fit the requirements of those roles. If we do otherwise, we either become permanent misfits or we seek to change our institutional context. » [9] Les humains développent un rapport à eux-mêmes à partir de ce rapport aux institutions. Comme il nous est renvoyé par la société que ce qui est bon est ce qui correspond aux frontières institutionnelles et que ce qui les dépassent est mal, nous reproduisons intérieurement ces limites. Cependant, il est évident que ces institutions sont aussi des créations humaines qui reflètent, en partie au moins, des désirs et des besoins bien réels[10].

Les institutions existantes peuvent être séparées selon différentes sphères qui composent la vie sociale humaine. Quatre sphères importantes sont présentées par l’holisme complémentaire: la sphère communautaire (qui inclut les aspects culturels, religieux et langagiers), la sphère parenté-affinité[11], la sphère économique et la sphère politique. Il se peut bien sûr qu’il y ait d’autres sphères, mais il est évident selon les auteurs de l’ouvrage que ces quatre sphères sont centrales pour comprendre une société humaine[12]. L’erreur des théories monistes que l’holisme complémentaire tente de dépasser consiste à se limiter à une sphère en particulier. De plus, en se consacrant à l’étude de faits sociaux trop excluants, les théories monistes habituelles simplifient et réduisent le nombre d’institutions responsables de la situation des humains. Ces théories empêchent de voir la validité des autres théories dans d’autres sphères de la vie sociale et les interactions qui sont possibles entre les différentes sphères[13]. L’holisme complémentaire se défend bien d’être un simple pluralisme (qui serait l’admission de la validité de plusieurs systèmes monistes indépendants les uns des autres) : il met en relation les différents systèmes qui le constituent[14]. Autrement dit, il établit des ponts et des mécanismes d’influence entre les différentes théories sociales sur lesquelles il s’appuie. La force de l’holisme complémentaire serait de comprendre chaque situation ou condition sociale en tenant compte des interactions entre les différentes sphères. Pour expliquer ces interactions, l’holisme complémentaire utilise deux termes : l’accommodation et la codéfinition.

L’accommodation est la capacité d’une sphère à intégrer des éléments d’une autre sans pour autant transformer son fonctionnement. Par exemple, l’économie capitaliste offre une différenciation de revenu. Une telle économie peut très bien s’accommoder à une sphère de parenté-affinité patriarcale en favorisant davantage les hommes que les femmes dans la répartition des revenus. Ainsi, à l’intérieur des organisations économiques, des gens qui peuvent donner un meilleur salaire à un homme ou une femme choisiront de favoriser l’homme parce qu’ils auront été socialisés ainsi dans la sphère parentale-affinitaire[15]. La codéfinition dépasse cette simple adaptation. Pour continuer avec l’exemple des liens entre sphère économique et sphère parentale-affinitaire, certains emplois n’existeraient pas si nous n’étions pas dans une société patriarcale. Le poste typique de la secrétaire qui veille à la fois à répondre au courrier, à la coordination des travaux, à la réception d’invité-es et au service du café est une association de tâches qui n’a aucun sens économique en soi. C’est parce qu’il réunit des rôles typiquement féminins dans l’univers du bureau qu’il a été conçu. De la même façon, un surveillant de travailleurs noirs dans l’Afrique du Sud de l’apartheid est un exemple facile de codéfinitions entre les sphères communautaire, politique et économique[16]. L’accommodation et la co-définition entre les sphères causent une évolution (un changement à long terme, sans heurt) ou une révolution (le changement radical et rapide des caractéristiques principales) des différentes sphères ou même de la société au complet[17]. « In short, « complementary holism » highlights all the critical kinds of possible interconnections in human societies. First, society is viewed as a whole, a single system of people and institutions inextricably bound together. Only then, and only for specific purposes, do we abstract four different component parts, or social spheres, for separate analysis. »[18]

Malgré cette invitation à l’holisme, Albert et Hahnel proposent de nouvelles institutions qui visent uniquement pour la sphère économique. Les quelques bases de l’holisme complémentaire que nous venons de présenter nous indiquent pourquoi Albert et Hahnel présentent leur proposition de modèle économique alternatif au capitalisme d’abord comme étant la réalisation de cinq valeurs. En effet, si on veut construire un système économique qui doit atteindre des résultats précis alors qu’on admet le caractère endogène des besoins et des institutions, il est nécessaire d’établir quelles valeurs ce système devra favoriser. Albert et Hahnel affirment que l’économie participaliste vise à réaliser économiquement cinq valeurs : l’équité, l’autogestion, la variété, la solidarité et l’efficience[19]. Pour réaliser les valeurs présentées, l’économie participaliste propose un ensemble d’institutions économiques liées les unes aux autres. Il est essentiel que ces institutions répondent aux trois objets principaux de l’économie : la production, la consommation et l’allocation. Dans ce dessein, il lui faut mettre en place des systèmes de propriété, de division du travail, de rémunération, d’attribution et de prise de décision.

Socialisation des moyens de production

L’économie participaliste entend socialiser les moyens de production et faire disparaître ainsi la classe capitaliste qui les possède. Albert et Hahnel souhaitent rendre impossible son existence : si plus personne ne peut posséder les moyens de production, l’existence de capitalistes prendra fin. La propriété de moyens de production n’existe tout simplement plus[20] : « No one has any ownership of means of production that accrues to him or her any rights, any responsibilities, any wealth, or any income different from what the rest of the economy warrants for him or her. No one has wealth, income, or economic influence different than what anyone else has due to having different ownership of means of production »[21]. Il ne s’agit pas de transférer les mode de production de mains capitalistes à des mains ouvrières, puisque leur propriété est proscrite. Les moyens de production appartiennent à la société et non à l’État ou à des propriétaires. Ilsß sont prêtés à des collectifs de travailleurs et travailleuses qui les gèrent eux-mêmes. Tous les lieux de travail d’une économie participaliste sont dirigés par des conseils où tous les travailleurs et travailleuses ont les mêmes pouvoirs[22].

Les conseils

L’ensemble des milieux de travail est organisé en conseils de travailleurs et travailleuses. Ces conseils sont décrits par les deux auteurs comme étant démocratiques et divisibles.  Ils sont démocratiques puisque chaque travailleur ou travailleuse y a droit de vote. C’est la condition première, selon Albert et Hahnel, pour démocratiser la production[23]. Cependant, ils ne fonctionnent pas nécessairement en suivant le modèle d’une assemblée générale constante ni sous la forme d’un conseil exécutif représentatif. Ils utilisent différentes procédures et différents degrés de consensus pour prendre leur décision. On pourrait nommer le mode démocratique employé comme la « démocratie des concerné-es ». On donne un poids plus important aux gens qui sont les plus concernés par une décision. Ainsi, certaines décisions concernant un groupe de travailleurs en particulier se prend directement entre eux et elles, d’autres décisions, qui touchent plus de gens, se prennent en plus grand groupe.

La façon d’inclure et d’exclure des travailleurs et travailleuses dans la prise de décision est très simple : ceux et celles qui se sentent concerné participent à la décision[24]. Comme il n’existe pas de supervision ou de direction hiérarchique, la responsabilité est dans les mains de ceux et celles qui accomplissent les tâches. Quant à la prise de décisions, elle est laissée à ceux et celles qui sont affectées par les décisions prises. Dans ce système, chaque travailleur et chaque travailleuse a son mot à dire dans la gestion de son travail sans pour autant que tout le monde dise tout ce qui lui passe par la tête sur tout et n’importe quoi. C’est ainsi que se réalise, selon Hahnel et Albert, l’autogestion[25].

Ces conseils sont considérés comme « divisibles », justement parce que chaque groupe de travailleurs et travailleuses prend les décisions qui le concernent et selon les moyens qu’il choisit. Ces conseils sont aussi intégrés à des organisations plus grandes. En effet, si l’unité de base de l’économie participaliste est le lieu de travail, des cercles d’organisation concentriques se forment autour de celui-ci[26] : « They should utilize decision-making procedures and communication methods in their councils as they see fit, adapting these as best they can to the time and hassle involved and to the possibilities for error and abuse, and seeking to attain appropriately informed decision-making influence in proportion to the degree each person is affected by decision-making outcomes. »[27] Chaque bureau ou atelier est donc membre d’un lieu de travail, chaque lieu de travail est à son tour membre d’une fédération qui regroupe les lieux de travail selon ce qu’ils produisent. Ainsi, tous les ateliers de constructeurs de navire sont d’une même fédération, tout comme l’ensemble des bureaux de graphisme ont la leur[28]. Nous verrons ci-dessous que ces fédérations jouent un rôle important dans l’allocation des ressources.

L’économie participaliste se base également sur des conseils de consommateurs et consommatrices qui vont des ménages jusqu’à de grandes entités comme le pays ou le continent : « [C]onsumption activity, like production activity, is largely social, [so] we must insist that consumption decision-making, like production decision-making, be participatory and equitable»[29]. Tous les conseils sont imbriqués les uns dans les autres et fonctionnent selon le principe évoqué ci-dessusde la démocratie des concerné-es. Cela signifie que chaque instance supérieure décide si l’instance inférieure prend des décisions de consommation qui l’affecte[30] : « The color of my underwear concerns only me and my most intimate acquaintances. The shrubbery on my block concerns all who live on the block. The quality of play equipment in a park affects all in the neighborhood. »[31] Et ainsi de suite jusqu’au réseau de transport d’une ville ou aux questions de sécurité nationale d’un pays[32].

Chaque ménage doit voir sa proposition de consommation approuvée par les autres ménages dans son conseil local de consommateurs et consommatrices. Chaque conseil local doit obtenir la même chose des autres conseils locaux dans son conseil de ville, et chaque conseil de ville dans son conseil régional, etc. Le principe démocratique s’applique selon la logique d’une personne, un vote. Les propositions de consommation qui correspondent à leur juste part de la somme d’efforts fournis par cette entité (en fonction du mode de rémunération présenté ci-dessous) ne peuvent être refusées, mais les autres groupes peuvent émettre des conseils. Par contre, toute volonté de consommer davantage que ce qui a été fourni comme effort doit être justifié face aux autres membres du groupe lors du processus de planification participaliste sur lequel nous reviendrons[33].

Complexes équilibrés de tâches

La fin de la propriété privée des moyens de production et l’autogestion ne règlent pas tous les problèmes du capitalisme – comme le soulignait ci-dessus Fotopoulos dans sa critique des propositions de Castoriadis. Par exemple, comment un travailleur aux tâches répétitives, une cadre et un employé de bureau peuvent-ils avoir accès à la même information et à la même préparation en vue d’une prise de décision collective? Poser la question, c’est y répondre : ils ne le peuvent pas. Conséquence : la seule démocratisation des milieux de travail perpétuerait des formes de domination[34]. Certaines tâches facilitent non seulement le développement humain, mais aussi la centralisation d’informations essentielles pour la compréhension du milieu de travail. Qu’est-ce qui peut justifier, et jusqu’à quel point cela se justifie-t-il, que des gens soient dans des situations d’inégalité au sein du milieu de travail ou de vie dans lequel ils évoluent?

La solution proposée pour établir le niveau d’inégalité acceptable se nomme complexes équilibrés de tâches. L’objectif est que tout le monde se situe environ aux mêmes niveaux de connaissance et de participation dans leur milieu de travail. « Of course this doesn’t mean everyone must do everything; this would be inefficient and usually even impossible. It does mean, however, that the half dozen or so tasks that I regularly do must be roughly as empowering as the different half dozen or so tasks that you regularly do if we are to participate as equals in council decision making. »[35] Cette proposition diffère à la fois énormément de l’organisation actuelle du travail et en diffère très peu. Énormément parce qu’elle se propose d’avoir pour fondement un certain équilibre entre les emplois. Très peu parce que ce qu’on désigne aujourd’hui comme des « postes » ou des « emplois » est en fait un assemblage de tâches dont l’agrégat s’explique simplement par d’autres motifs, parmi lesquels les relations de pouvoir sont un élément décisif[36]. Ces complexes équilibrés de tâches viennent donc remplacer la notion de « poste » auquel n’est assigné qu’une tâche ou qu’une série de tâches similaires. L’économie participaliste propose que chaque travailleur et travailleuse ait des tâches à niveaux variés au sein du milieu de travail. Ainsi, les tâches qui favorisent le mieux le développement de l’individu seront équilibrées par d’autres qui le favorisent moins[37].

Les milieux de travail peuvent fonctionner comme ils veulent pour répartir les tâches puisque ce sont des espaces démocratiques. Cependant, Michael Albert propose un modèle, une façon de fonctionner qui donne une idée d’une organisation possible et relativement simple. Pour déterminer la « valeur de sacrifice » de chaque tâche, chaque travailleur et travailleuse de chaque milieu de travail note (disons de 1 à 20) chaque tâche existante dans ce milieu. On assemble ensuite tous les votes et on détermine une moyenne pour chaque tâche. En fonction du nombre d’heures qui doit être consacré à chaque tâche, on établit une moyenne de la valeur des tâches pour le milieu de travail complet. Une séparation des tâches est alors faite entre les travailleurs et travailleuses selon leurs goûts et compétence et de la capacité à arriver le plus près possible de la moyenne du milieu de travail. Se forme ainsi un ensemble de tâches équilibré pour chaque travailleur et travailleuse au sein de son milieu de travail qui permet d’éviter que les tâches les plus valorisantes soient concentrées dans quelques postes[38].

La société entière, à travers des comités de délégué-es pour chaque industrie, établit par la suite une moyenne de sacrifice demandé pour chaque branche de l’industrie et une moyenne générale (la moyenne de tous les milieux de travail pour l’ensemble de la société). Cela permettra de savoir à quel point chaque milieu de travail demande plus d’effort qu’un autre. Comme nous le verrons dans la section suivante, la « rémunération » de l’économie participaliste est établie en fonction de l’effort et du sacrifice, ainsi tous les travailleurs et travailleuses voudront établir un équilibre entre rémunération et emploi valorisant. Cela fera qu’ils tendront naturellement à partager leur temps en de multiples lieux de travail, ce qui participera à l’équilibre général du partage des tâches dans la société[39].

Rémunération

Maintenant que nous avons vu comment s’organise le travail, il est nécessaire de se pencher sur la compensation sociale que reçoivent les gens qui accomplissent la production. Les propositions concernant ce qui est équitable ou non en matière de rémunération et les moyens pour l’atteindre varient beaucoup d’une théorie économique à l’autre. Selon nos deux auteurs, sur la question de l’équité des revenus, il existe quatre maximes distributives normalement considérées :

  • Maxime distributive 1 : Paiement selon la valeur de la contribution de la personne ainsi que celle des propriétés détenues par elle.
  • Maxime distributive 2 : Paiement selon la valeur de la contribution personnelle seulement.
  • Maxime distributive 3 : Paiement selon l’effort et le sacrifice.
  • Maxime distributive 4 : Paiement selon le besoin.[40]

La première et la deuxième maximes sont rejetées en se basant sur l’a priori suivant :  « Of course, historically the most frequently actualized norm is that people should get what they are strong enough to take, but virtually no one morally advocates brute force bargaining power as our preferred criterion for payment. No one thinks this common approach is ethically superior. No one thinks it is efficient. »[41] Or, demandent les deux auteurs, en quoi les possessions matérielles provenant d’un héritage et les capacités humaines venues de la loterie biologique sont-elles des déterminants de la rémunération plus justes que la force brute? En effet, la première maxime affirme que les effets de nos talents personnels et de nos propriétés devraient être déterminants dans les revenus que nous obtenons. En quoi sommes-nous responsables du fait que nous ayons des talents innés ou des possessions matérielles acquises en héritage?

La deuxième maxime se réduit seulement à la question biologique, mais le problème reste le même, on ne choisit pas plus son corps que la richesse de sa famille[42]. Albert et Hahnel attaquent la quatrième maxime (qui rappelle la célèbre formule de Proudhon reprise par Marx[43]) suivant l’idée qu’elle ne traite pas d’équité et de justice économique mais de compassion. Contrairement à Bookchin, ils considèrent que nous évoluons dans un monde de rareté et que celle-ci rend impossible de donner à tout le monde ce qu’il souhaite. Cependant, ils partagent l’objectif que l’économie puisse aspirer un jour à la mettre en pratique. On doit cependant trouver un moyen, en attendant, de distribuer les ressources limitées avec justice[44].

La troisième maxime distributive, qui se fonde sur l’effort et le sacrifice, est donc celle que retiennent les concepteurs de l’économie participaliste comme étant juste parce que les humains peuvent choisir où et dans quelle proportion ils concentrent leurs efforts sur une activité. C’est parce qu’il s’agit d’une donnée sur laquelle ils ont une influence qu’il est juste d’attribuer une rémunération sur cette base. Donc, il ne faut pas distribuer les revenus sur l’extrant de la production, mais seulement sur l’intrant choisi par le travailleur ou la travailleuse. Autrement, on récompense la nature ou la chance et non le fait d’avoir fait un effort. Cette maxime ne s’appliquant bien sûr qu’à ceux et celles qui sont en mesure de fournir cet effort, les autres étant traités selon la logique du « à chacun-e selon ses besoins »[45]. « So if some bear more of the burdens justice requires that they be compensated with benefits commensurate with their greater sacrifice. Only then will all enjoy equal net benefits. Only then will the system of economic cooperation be treating all participants equally, i.e. giving equal weight or priority to the interests of all participants. »[46] Si on organisait l’économie de marché selon la maxime distributive que nous venons d’évoquer, ceux et celles qui ont les emplois les plus difficiles auraient droit à de meilleures rémunérations alors que les emplois les plus intéressants et qui demandent le moins de sacrifices seraient les moins bien rémunérés : tout le contraire de ce que nous vivons aujourd’hui. Néanmoins, comme nous venons de le voir, le travail dans une économie participaliste est divisé selon des complexes équilibrés de tâches, les revenus y seraient donc aussi beaucoup moins inégaux qu’aujourd’hui. Les travailleurs et travailleuses ayant un complexe équilibré de tâches qui demande moins d’efforts que la moyenne obtiennent une capacité de consommer plus basse, ceux et celles fournissant plus d’efforts que la moyenne obtiennent plus de droits de consommer. Cette stratégie a pour corolaire d’inciter au développement de technologies réduisant l’effort-travail comme une réduction de celui-ci profite directement à tout le monde par la diminution de la moyenne sociale de l’effort à fournir[47].

Allocation : la planification participative

Pour l’allocation des ressources, l’économie participaliste fait le pari du partage de l’information, de la communication et de la prise de décision décentralisée, des notions rassemblées au sein du concept de planification participative. Cette idée est le cœur de l’économie participaliste. C’est elle qui permet à Hahnel et Albert de soutenir que leur modèle économique diffère à la fois de l’économie centralisée et de l’économie de marché.

La planification participative est organisée autour du partage d’informations. En effet, contrairement aux économies de marché ou aux économies centralisées, aucune partie de l’économie n’est secrète. Les volontés de consommation, de travail, les modes de production des produits, l’organisation du travail, les commentaires des consommateurs et consommatrices sur les produits achetés : tout cela est rendu disponible dans les bases de données de la planification participative. Pour Hahnel et Albert, le processus de planification participative ne place aucun acteur dans une situation où mentir lui serait avantageux dans la transmission de cette information, et ce, à l’opposé du système de marché ou de la planification centralisée, où le mensonge et le secret sont très fréquents[48]. Toute l’énergie mise en publicité, marketing et études de marché dans l’économie de marché serait plutôt consacrée à transmettre de l’information à la fois exacte et utile entre les différents acteurs du monde économique[49].

Parmi les données cruciales à diffuser dans le processus de planification participative se trouvent les intentions économiques de chaque acteur. Qui veut faire quoi dans la prochaine année : que veut-on consommer comme produits? Combien de temps désire-t-on consacrer à la production? Les consommateurs et consommatrices doivent être au courant de l’effort et du coût de la matière demandée pour la production des produits qu’ils veulent obtenir. Les conseils de producteurs et productrices ainsi que les conseils de consommateurs et consommatrices mentionnés ci-dessus sont les acteurs centraux du système d’allocation. Il existe, pour les accompagner, des « comités de facilitation » (facilitation boards) qui rendent plus facile l’échange et l’analyse d’informations venant des différents conseils. Ils sont également des lieux centralisés pour que les groupes de travail à la recherche des travailleurs et de travailleuses affichent les tâches disponibles. Ces comités de facilitation tentent de simplifier la procédure de proposition/itération qui a lieu entre les différents conseils et fédérations[50]. Comme pour l’usine du plan de Castoriadis, ces comités de facilitation sont des emplois comme les autres et ne donnent aucun pouvoir particulier à ces comités, ni aucune information particulière : « At any time, a council can access the data banks of any facilitation board and any other council. The whole process is open to all »[51].

Donc, la planification participative des ressources – le mode d’allocation proposé par Albert et Hahnel – suppose que chaque acteur rédige une proposition de consommation ou de production. Par un processus d’itération entre les différentes propositions de tous les acteurs, on arrive à une proposition finale qui les rassemble toutes. Un jeu d’aller-retour entre les propositions permet la planification de l’allocation et non la décision centralisée d’une entité ou la prise de décision individuelle. Un plan général se dégage de ce processus – plan dans lequel on tient compte évidemment des risques et des imprévus – et l’ensemble de l’économie se fie à ces directives générales pour avancer[52].

Voyons plus en détail comment le processus de proposition et d’itération fonctionne. On se base pour commencer sur le coût social de production (présenté comme un prix, mais qui n’est pas établi de la même façon que dans l’économie de marché), la consommation exprimée l’an dernier, les mesures de travail et l’information qualitative du dernier processus. Tous les acteurs (conseils de consommateurs et consommatrices, conseils de producteurs et productrices) ont accès à cette information. Les acteurs commencent par prendre connaissance des faits qui les intéressent dans cet ensemble de données. Les comités de facilitation leur envoient leurs prévisions (démographiques, technologiques, économiques) : une autre source de données et de réflexions.

En tenant compte de l’ensemble de ces facteurs, ils décident des changements qu’ils souhaiteraient apporter à leur proposition de l’année précédente: veulent-ils produire ou consommer plus ou moins? Veulent-ils le faire différemment? Doivent-ils répondre à des impératifs externes à leur volonté qui les obligent à s’adapter[53]? Ils remplissent alors leur première proposition en fournissant non seulement de l’information quantitative, mais aussi de l’information qualitative sur leurs choix. Ces propositions sont larges et n’entrent pas dans le détail des choix, il s’agit de catégories générales (comme 4 pièces de vêtements et non 1 paire de jeans bleu, 2 chandails et 1 veston); les préférences personnelles facilement prévisibles statistiquement sont laissées au soin des conseils de facilitation en lien avec les conseils de production concernés[54].

La première proposition est plus du domaine des vœux que des possibilités. En voyant ce que tout le monde voudrait faire/avoir et la marge entre le désir de production et celui de consommation, on passe à la prochaine étape. Les prix sont réajustés en fonction de ces nouvelles demandes, les conseils peuvent donc proposer de nouveaux plans en fonction des efforts et de la consommation souhaités lors de l’année à venir. Ils doivent également tenir compte de la pollution et des dommages causés à l’environnement par certains choix de production ou de consommation. Ainsi, les communautés pénalisées peuvent consommer davantage et les communautés qui en profitent doivent payer plus cher pour ces biens ou services[55].

This procedure “whittles down” overly ambitious proposals submitted by worker and consumer councils about what they would like to do to a “feasible” plan where everything someone is expecting to be able to use will effectively be available. Consumers requesting more than their effort ratings and allowances warrant are forced to either reduce the amounts they request, or shift their requests whose social costs are not justified by the sacrifices of those making them. Similarly, worker councils are forced to either increase their efforts, shift forward producing a more desirable mix of outputs, or shift to a less costly mix of inputs to win approval for their proposals from other councils who have no reason to approve production proposals whose social costs exceed their social benefits. Efficiency is promoted as consumers and workers attempt to shift their proposals in response to updated information about opportunity and social costs in order to avoid reduction in consumption or increases in work effort. Equity is promoted when further shifting is insufficient to win approval from fellow consumers and workers which can eventually only be achieved through consumption reduction or greater work effort. As iterations proceed, consumption and production proposals move closer to mutual feasibility, and estimates more closely approximate true opportunity and social costs as the procedure generates equity and efficiency simultaneously.[56]

L’ajustement des besoins et des ressources n’est pas une chose simple. Cela dit, le modèle et les tentatives empiriques de Hahnel et Albert les conduisent à penser qu’au maximum sept itérations suffisent à atteindre un plan sur lequel tout le monde s’entend[57]. Cela dit, tout dépend de la rigidité de l’organisation des comités de facilitation : combien de propositions de plan leur propose-t-on de faire? Quelle variation par rapport à la demande peuvent-ils accepter? etc. Bien sûr, ces décisions techniques doivent être prises en commun pour s’assurer de ne pas concentrer de pouvoir au sein des comités de facilitation[58].

Évidemment, l’activité économique d’une société ne peut se prévoir toujours à court terme. Certaines infrastructures prennent des années à se mettre en place, certains changements technologiques ou d’organisation sociale peuvent prendre plusieurs décennies, on ne peut prévoir le tout en une seule année. Les concepteurs de l’économie participaliste proposent alors d’adopter des plans à long terme pour les questions qui dépassent une seule année[59] : « One approach to long-run planning would be to handle this issue before yearly planning begins. At this time, all previously agreed-to long-run projects could be reviewed and updated so that the commitment of resources necessary for this year could become part of subsequent planning calculations. After national projects, large regions could settle on their new long-run projects, and so on, down to the smallest units. »[60] Ainsi, il y aurait donc débat sur un plan d’investissement à long terme qui se poserait à tous les niveaux de la structure économique, pour prévoir quels investissements veut faire, à son palier, chaque conseil ou fédération. De plus, un plan de développement se déciderait en commun pour toute l’économie. Dans notre conjoncture actuelle, on pourrait y discuter de la possibilité de sortir du pétrole, de transformer de façon importante notre façon de construire des bâtiments, d’émettre moins de gaz à effet de serre, de mieux respecter les droits des animaux dans notre production alimentaire, etc. Ces plans d’investissements et de développement deviendraient ainsi des variables qui influenceraient les processus de planification participative annuels[61].

Réponses aux critiques

Le modèle d’économie participaliste a été soumis à diverses recensions critiques : dans des revues scientifiques, dans des publications aux connotations plus militantes comme dans le cadre de conférences ou de discussions. Albert et Hahnel ont pris le temps de répondre aux critiques qui leur étaient adressées. Il est évident que ce travail a permis sinon d’améliorer le modèle alors, tout au moins, de jeter un éclairage sur certaines zones d’ombre. Cette situation diffère de Castoriadis et Bookchin qui n’ont pas eu beaucoup d’échanges fructueux avec leurs critiques[62]. Dans cette section, nous utiliserons cinq critiques comme prétexte pour présenter plus en profondeur l’économie participaliste telle que conçue par les deux auteurs : l’inefficacité, le nombre de réunions, le manque de liberté individuel, l’absence d’incitation à l’innovation et le peu de correspondance du modèle à la nature humaine.

Les critiques concernant le manque d’incitatifs au travail sont nombreuses. Elles reprochent à l’économie participaliste de ne pas faire un usage optimal des ressources humaines. En gros, les gens ne feraient pas ce qu’il est le plus efficace qu’ils fassent. Si on passe les mécompréhensions d’éléments expliqués plus haut, ces critiques s’attaquent à quatre aspects de l’économie participaliste : la capacité de mesurer l’effort des travailleurs et travailleuses, l’absence d’incitatif à travailler plus dans un contexte où une richesse imposante n’est pas accessible, l’absence d’incitatifs à s’éduquer dans les domaines où l’on est le plus utile pour la société et la perte de spécialisation causée par les complexes équilibrés de tâches.

En premier lieu, nombre de critiques doutent de la capacité des différents milieux de travail de mesurer l’effort des travailleurs et travailleuses pour établir leur rémunération[63]. Pour eux, la mesure de l’effort restera toujours subjective et biaisée, tandis que la mesure de la participation à l’extrant (tel qu’existante dans l’économie de marché ou dans l’économie planifiée) se mesure plus aisément de manière objective[64]. Hahnel et Albert soulignent en guise de réponse qu’en fait la mesure de la participation à l’extrant n’est pas aussi aisée que le laissent croire les manuels d’économie et, qu’à l’inverse, la mesure de l’effort n’est pas aussi complexe que les critiquent ne le laissent entendre[65]. Cependant, ce qui est le plus intéressant dans leur réponse et qui nous aide à mieux comprendre le fonctionnement de l’économie participaliste, c’est leur réflexion quant à l’organisation de cette évaluation sur les lieux de travail. Les critères de jugement sur le travail des autres varieront d’un lieu à l’autre : combien de personnes sont sur le comité d’évaluation, combien de temps elles peuvent y rester, quelles sont les conséquences d’une mauvaise évaluation, sur quoi se fondent les évaluations, etc. « Presumably one thing people will consider when deciding where they want to work will be if they feel comfortable with the way a worker council goes about rating effort. »[66] Comme on le voit, le seul paramètre qui demeure inchangé d’un conseil à l’autre est le critère de base: l’effort. L’importance des écarts, les mesures de jugement et les procédures d’évaluation sont laissées à la discrétion de ceux et celles qui prennent démocratiquement les décisions.

Selon des critiques formulées à l’économie participaliste, celle-ci serait moins efficace aussi à cause de l’impossibilité d’y devenir beaucoup plus riche que les gens autour de soi, ce qui réduirait l’incitatif à fournir des efforts[67]. Pour Albert et Hahnel si on doit reconnaître qu’il s’agit en effet de l’incitatif à la production le plus important de l’économie de marché,il faut également reconnaître qu’il a plus à voir avec le fonctionnement de cette économie qu’avec un désir humain « naturel ». En fait, pour eux, hors des pathologies rares, les gens n’accumulent pas de l’argent à la seule fin de l’accumulation elle-même, mais bien pour avoir accès à d’autres récompenses : des biens de consommation, la reconnaissance sociale, le sentiment d’utilité sociale, etc.[68] Ainsi, l’économie participaliste propose d’offrir directement ces incitatifs sans passer par la médiation de l’accumulation monétaire. Faire davantage d’efforts donne droit à obtenir davantage de consommation de biens, un travail bien fait, des réussites exceptionnelles ou des découvertes sont récompensées par de la considération sociale et de la reconnaissance. Si la répartition des tâches, des responsabilités et des récompenses paraissent justes, les incitatifs seront moins nécessaires. « And if a fair share of effort/sacrifice is in any event demanded by workmates who must otherwise pick up the slack, and additional effort/sacrifice are appreciated by one’s companions, recognized by society, and also awarded commensurate increases in consumption opportunities, why should anyone doubt that incentives will more than adequately elicit needed involvement and effort? »[69] Bref, selon les auteurs, la disparition graduelle de l’obsession pour la productivité dans de seuls buts égoïstes ne sera pas une perte, mais un gain[70].

La troisième critique formulée contre l’économie participaliste sur sa prétendue inefficacité concerne la formation de la main d’œuvre[71]. Si personne ne gagne davantage d’argent après un long et exigeant parcours scolaire, comment peut-on s’assurer que les tâches essentielles pour la société seront réalisées? Qui voudrait passer à travers, par exemple, une longue formation en médecine si cela ne lui promet pas une plus grande richesse[72]? Dans leur réponse, Albert et Hahnel nous informent qu’il est nécessaire pour l’économie participaliste que le système éducatif soit entièrement accessible sans frais et que les moyens de subsistance soient assurés aux étudiant-es sans que ceux-ci ne doivent travailler. Cependant, des examens d’entrée seront nécessaires pour s’assurer de la capacité des étudiant-es à compléter leur programme d’étude. Pour eux, cela permet de réduire les contre-incitatifs aux étudiant-es qui désirent suivre leurs talents et intérêts[73].

Par ailleurs, pour Albert et Hahnel, il appert contestable de supposer que ceux et celles qui ont des talents ou de l’intérêt pour la médecine ou l’ingénierie n’iront pas étudier dans ces domaines s’ils ne sont pas mieux rémunérés que d’autres. En général, les gens souhaitent faire ce qui les passionne. « Does anyone truly think that offered the same pay for using a lathe or a piano, Mozart would choose the lathe unless someone threatened convincingly to make his life utterly miserable were he to opt for the piano? In other words, in most instances, incentives are not even needed to get people to utilize their greatest talents, we just have to avoid disincentives, and there are no such disincentives in a participatory economy. »[74] Voilà où se concentrera l’économie participaliste : la réduction de ce qui défavorise notre envie de nous impliquer là où nous sommes les meilleurs. Pour favoriser l’excellence, l’économie participaliste se fonde aussi sur l’important incitatif qu’est la reconnaissance sociale. On a qu’à penser aux athlètes olympiques qui obtiennent peu de gains matériels à dépasser les limites de leur discipline, mais qui y investissent une quantité de temps et d’énergie imposante. Les gens ne cesseront pas pour autant de sous-exploiter leurs talents, mais beaucoup de barrières auront été levées pour qu’ils les puissent les développer au meilleur de leur capacité sans se soucier d’autres considérations[75].

La dernière critique faite à l’économie participaliste qu’on peut placer sous la rubrique de l’inefficacité est celle qui concerne les complexes équilibrés de tâches qui nuiraient à la capacité de spécialisation[76]. Suivant cette critique, si on force les gens qui excellent dans une tâche particulière à en exercer également d’autres, on perdra nécessairement en efficacité. Pour illustrer grossièrement, faire changer les draps de lits d’hôpital à un chirurgien fait perdre autant d’heures de chirurgie, alors que nous avons collectivement investi énormément dans sa formation[77]. Les tenants de l’économie participaliste affirment que cette critique est effectivement valide. Ils préfèrent sacrifier une part de l’efficacité immédiate pour gagner une efficacité indirecte en impliquant l’ensemble des travailleurs et travailleuses des milieux de travail dans la gestion de ceux-ci et d’assurer le partage des tâches plus pénibles. Selon eux, ce partage des tâches et cette autogestion augmente la productivité de l’ensemble des travailleurs et travailleuses, les pertes occasionnées localement sont donc compensées par des gains d’efficacité généralisés[78].

Cette critique permet d’étudier plus en profondeur le rapport entre complexes équilibrés de tâches et la spécialisation. Les complexes équilibrés de tâche n’éliminent pas la spécialisation, tout comme le système économique actuel ne produit pas une spécialisation totale : les chirurgiens ne font pas qu’opérer et les pilotes d’avion ne font pas que piloter. La répartition de ces tâches est simplement différente et, oui, elle peut mener à moins d’heures consacrées à une seule activité si celle-ci est moins exigeante en terme de sacrifice que la moyenne des tâches accomplies par les autres dans le milieu de travail[79]. «  [Balanced job complexes] are not designed by an external bureaucracy and imposed on workers. So there is every reason to believe job-balancing committees composed of workers in a workplace will take ample leeway in organizing work to accommodate technological and psychological considerations in their workplace while eliminating large, persistent differences in empowerment and desirability. »[80] Cette explication plus détaillée nous permet de voir que, là aussi, l’autogestion prime sur les restrictions imposées par le modèle. Le seul critère transversal que tous les conseils de travailleurs et travailleuses doivent respecter, c’est la nécessité d’équilibrer le plus possible le pouvoir obtenu par la réalisation de certaines tâches et le sacrifice demandé pour leur réalisation. Cependant, il ne s’agit pas d’imposer un équilibre parfait, et les travailleurs et travailleuses ont la possibilité de déroger de cet équilibre en sacrifiant de leur temps, de leur énergie ou de leur capacité de consommation.

À première vue, l’économie participaliste demande de passer beaucoup de temps en réunion : des réunions de travail, des réunions de planification de production et de consommation, etc. Ce modèle serait-il trop exigeant en matière de temps passé à discuter et à prendre des décisions? Les critiques rappellent que quand les gens se réunissent, ils ne sont ni en train de produire, ni en train de vaquer à leurs occupations favorites[81]. Une deuxième critique du même ordre porte sur le pouvoir en réunion. Les critiques affirment que c’est le discours d’un certain type de gens qu’on entend le mieux en réunion. Les décisions prises en écoutant ces gens ne sont pas nécessairement les plus sages ou adéquates, mais peut-être celles présentées par la personne la plus habile dans l’art oratoire ou par celle qui est la plus appréciée. En d’autres mots, les critiques craignent que l’économie participaliste ne devienne une dictature des sociables[82].

Albert et Hahnel répondent à la critique mettant en garde contre trop de réunions en admettant d’abord que pour la moyenne des gens, l’économie participaliste signifiera effectivement une augmentation du nombre de réunions. Cependant, ils émettent des doutes sur l’augmentation de la quantité totale de réunions, considérant que l’économie de marché monopolise le temps de certaines personnes pour faire la planification, alors que la majeure partie des autres la subit. À leur avis, il s’agit d’une répartition du temps de réunion, plus que d’une augmentation[83]. Hahnel rappelle également que la participation au processus décisionnel n’est pas toujours obligatoire et n’est pas non plus toujours sous forme de réunions. Par exemple, pour la prise de décision sur la consommation publique au sein de grandes entités tout comme pour le processus de planification participaliste, très peu de réunions sont en fait nécessaires. L’élément central à l’organisation économique, c’est le vote et non la réunion. Bien évidemment, pour des questions épineuses, pour des débats où l’on souhaite aller en profondeur, le débat face à face est nécessaire. Cependant, pour la gestion quotidienne de l’économie et l’organisation collective du travail, la démocratie peut devenir beaucoup plus rapide et opérationnelle.

La démocratie appuyée par la technologie rend les rencontres face à face tout à fait secondaires pour la plupart des décisions. Une fois que chaque milieu de travail et de consommation a établi sa proposition, chaque fédération fait une proposition générale approuvée par un simple vote électronique. Une fois tout cela approuvé, les prix des biens et les conséquences sur le travail sont mis à jour. Cela suppose des ajustements au plan qui sont proposés et approuvés sans que des réunions soient nécessaires[84]. « There is no meeting. Councils and federations submit their own proposals and vote thumbs up or down on the proposals of others. […] Delegates to particular federations will formulate public-good consumption options for those in their federations to vote on, but there are no meetings of delegates from differentcouncils and federations to negotiate changes in the proposals coming from different councils and federations until they are mutually feasible. »[85] Les deux auteurs affirment qu’ils proposent en fait une alternative à l’idée d’une planification réalisée par une vaste assemblée où tout le monde discuterait de l’ensemble de la planification. Le principe de proposition-itération n’est pas le lieu du débat public. Le dialogue et l’échange sont plutôt réservés aux décisions de planification à long terme et aux décisions de l’organisation quotidienne du travail, le reste est plutôt laissé à l’expression des goûts et à la capacité d’agencer les désirs[86].

Ces précisions permettent en partie de répondre à la seconde critique, celle qui s’inquiète de la dictature des sociables[87].S’ils admettent que les personnes qui décident de s’impliquer davantage dans les processus démocratiques risquent d’avoir plus de poids dans les décisions, Albert et Hahnel affirment que, d’une part, c’est en partie une bonne chose et que, d’autre part, cela sera difficilement à leur avantage[88]. À partir du moment où la participation est ouverte à tous et toutes, il est avantageux – et non problématique – qu’elle mène à des conséquences effectives. Si je vois mon voisin participer aux décisions et ainsi transformer la réalité de la communauté, je serai peut-être tenté de m’impliquer également. Cependant, le voisin en question ne pourra jamais décider à ma place comment s’organise mon travail ou ma vie privée, car ces décisions relèvent d’un vote individuel et non d’un choix autoritaire ou de la décision d’un comité. Selon les deux auteurs, l’économie participaliste permet de prendre plus de décisions sur sa propre vie que les autres formes d’économie. Elle ne soumet pas les décisions à d’autres personnes que les premières concernées[89].

Certaines critiques formulées à l’économie participaliste s’inquiètent de la grande quantité de pouvoir que d’autres gens ont sur nos vies[90]. Cette critique porte sur deux éléments : la liberté de consommer et la liberté de démarrer des entreprises. Est-ce que les gens qui vivent dans ma communauté n’ont pas trop d’impact sur ma capacité de consommer, dois-je faire valider chacun de mes choix de consommation par un comité? Puis-je démarrer une entreprise comme je veux ou est-ce une organisation politique qui décide quelles sont les entreprises existantes et qui y travaille? Les deux auteurs répondent à la crainte à propos de la liberté de consommation en rappelant que les propositions individuelles de consommation peuvent être formulées de manière anonyme et que les consommations qui correspondent à l’effort fourni par la personne n’ont pas besoin d’être justifiées ou défendues. Selon eux, leur modèle est donc précisément conçu pour éviter le genre de débordement que craignent ces critiques[91]. « [C]onsumption proposals justified by one’s effort rating cannot be easily vetoed. While there is always, of course, nothing but a motion to close debate or at least silence the loud mouth to prevent a busybody from carrying on uselessly about someone else’s consumption request, it is difficult to understand why people would choose to waste their time expressing or listening to views that had no practical consequence. »[92] La capacité de comités de juger de la consommation de leurs membres est donc une situation exceptionnelle, elle advient seulement au moment où l’on fournit trop peu d’effort pour la consommation qu’on souhaite effectuer. En un sens, l’économie de marché pose la même limite : toute personne voulant consommer au-delà de ses revenus doit faire une demande de crédit à une institution financière qui vérifie sa solvabilité. Cependant, dans le cas de l’économie participaliste, cette demande est faite à un comité citoyen au fonctionnement démocratique.

De la même façon, la critique sous-entendant que, dans une économie participaliste, les gens seraient moins libres de démarrer des projets ou de changer de milieu de travail n’est pas valide selon les deux auteurs. Comme la citation précédente le soulignait, tout le monde dans une économie participaliste peut changer de travail quand il le souhaite. Il s’agit simplement de trouver un lieu de travail qui cherche à embaucher et d’être accepté dans l’équipe de celui-ci. De la même façon, il n’est pas difficile de démarrer un nouveau projet, il faut simplement que la communauté veuille y investir des ressources. Là aussi, l’économie participaliste n’est pas très différente de l’économie de marché, seuls les gens à qui l’on s’adresse diffèrent. Au lieu de devoir être choisi par le patron d’une entreprise, on est choisi par les gens avec qui on travaillera. Au lieu d’aller demander de l’argent à une banque pour démarrer un projet, on doit convaincre les gens de sa communauté que ce projet est valide et positif pour la communauté. Cela n’empêche pas, comme pour l’économie de marché, de démarrer bénévolement des projets suivant sa propre initiative. Toutefois, dès qu’on souhaite vivre de cette activité, il faut que d’autres personnes trouvent qu’il s’agit d’un projet pertinent[93].

Certaines critiques rappellent les échecs des économies planifiées en matière d’innovation, alors que l’économie de marché est pour sa part très innovante. Comme elle ne permet pas de profiter des bénéfices de la propriété intellectuelle et des brevets, l’économie participaliste permet-elle l’innovation? Met-elle en place les incitatifs nécessaires pour stimuler le caractère industrieux des gens[94]? Les auteurs rappellent que bien qu’elle soit plus favorisée que dans l’économie planifiée centralisée, l’innovation est loin d’être optimale dans l’économie de marché. D’abord, l’économie de marché est prise dans un dilemme intenable qu’elle ne résout pas : soit la diffusion des innovation se fait rapidement, ce qui accroit l’efficacité de l’économie, mais réduit les incitatifs à innover (car les entreprises innovantes ne peuvent profiter longtemps de leur avantage comparatif sur le marché), soit à l’inverse les entreprises ont d’importants incitatifs à innover, mais alors l’ensemble de l’économie perd en efficacité (le profit réalisé par le maintien du secret industriel empêchant la diffusion de l’innovation). De plus, l’innovation au sein du capitalisme est dirigée vers la capacité de faire du profit. Ainsi, des innovations peuvent être socialement pertinentes, mais ne seront pas développées parce qu’il n’y pas de profit à en tirer. À l’inverse une multitude d’innovations futiles seront développées parce qu’un marché composé d’acheteurs plus riches sera potentiellement attiré par ces nouveaux produits[95].

L’économie participaliste n’est pas exempte de tensions entourant l’innovation, mais selon Albert et Hahnel elle en offre une meilleure résolution, d’abord parce que l’innovation bénéficie directement à tout le monde qui pourrait en faire. Comme la réduction des coûts aura un impact direct sur les efforts de tout le monde, tout le monde a avantage à innover. Dans le capitalisme, la structure de propriété a pour conséquence que la plupart des travailleurs et travailleuses n’ont pas avantage à innover, car ils ne seront pas affectés par les gains de productivité : les bénéfices seront concentrés entre les mains des propriétaires des entreprises. De plus, la reconnaissance sociale plus forte et la tendance à mieux valoriser les biens publics (comme la recherche) sont des avantages importants de l’économie participaliste par rapport à l’économie de marché[96]. Michael Albert et Robin Hahnel envisagent même d’offrir aux entreprises innovantes des boni de consommation temporaire, si une sur-stimulation de l’innovation devenait nécessaire. Ces transformations ne leur semblent ni souhaitables ni nécessaires, mais elles peuvent être appliquées sans se généraliser et sans poser d’irréparables problèmes, car elles ne ralentissent pas la généralisation de l’innovation. Là aussi, il s’agit de mesures qui pourraient être démocratiquement choisies si le besoin s’en faisait sentir dans une communauté ou une économie donnée[97].

Enfin, certaines critiques affirment que la réalisation de l’économie participaliste est souhaitable, ou du moins qu’elle l’est davantage que la continuation du capitalisme, mais qu’en fait l’humanité n’a pas les capacités morales de sa réalisation[98]. Ainsi l’économie participaliste demanderait trop de solidarité et d’empathie et trop de retenue comparée à l’actuelle course au confort, au statut social et à la domination des autres[99]. Bien évidemment, comme Castoriadis et Bookchin, Hahnel et Albert pensent que la pratique de l’économie participaliste aura finalement une influence sur les habitudes politiques et sociales des humains. La démocratie économique modifie ceux et celles qui y prennent part. Ils s’attendent donc, qu’à terme, l’intérêt pour les autres, le souci pour le commun et la société se répandent plus largement à travers les humains[100]. Ils signalent aussi qu’une lecture strictement pessimiste de la nature humaine manque de finesse. Il est complètement faux de soutenir que l’humanité est entièrement et naturellement caractérisée par sa seule tendance cupide et égocentrique. Les humains ont non seulement des facettes empathiques et généreuses, mais une bonne partie des cultures humaines célèbrent d’abord ces traits de caractère avant l’égoïsme et l’avarice[101].

Cela dit, les défenseurs de l’économie participaliste ne se fondent pas sur ces réflexions pour défendre leur modèle. En fait, ils affirment que leur modèle tend à donner de bons résultats sociaux, même s’il est utilisé par les homo economicus les plus froids et les plus égoïstes. L’économie participaliste favorise la solidarité et montre ses avantages même aux personnes les plus calculatrices. C’est ce que défendent les auteurs en montrant qu’en suivant leur seul intérêt rationnel, des acteurs placés dans le cadre de l’économie participaliste arrivent à accomplir à la fois ce qui est optimal socialement selon l’optimum de Pareto et ce qui est le plus équitable[102]. Cela amène même certains de leurs critiques à admettre que : « Looking Forward is not a naïve book. It is not even a utopian book. In its own way it is quite practical. It does not expect people in its hypothetical economy to behave like revolutionary saints. It lays out a system where people’s self-interest will very closely coincide with the interests of the larger society they are a part of. It does not expect greed and dishonesty to disappear, but it does present safeguards that should minimize the damage such tendencies would present. »[103] Bref, si les auteurs croient que l’économie participaliste peut améliorer la façon dont les humains interagissent entre eux, le fonctionnement de leur modèle ne repose pas sur cette croyance.

Autres institutions

Comme on le voit, dans leurs ouvrages majeurs, Michael Albert et Robin Hahnel s’en sont tenus à proposer un modèle économique se concentrant sur les institutions économiques telles que définies dans l’holisme complémentaire. Ce choix laisse énormément de terrain inoccupé. En premier lieu, le terrain politique qui est si voisin de l’économie que les auteurs n’ont pas le choix d’y aller (surtout en démocratisant l’espace de consommation publique, ce qui fait partie de l’espace politique tel qu’entendu par l’économie contemporaine), mais ils se défendent toujours d’avoir mis en place des institutions politiques en tant que telles.

Pendant longtemps, ces deux auteurs ont dit vouloir laisser à d’autres le soin de développer les institutions culturelles, communautaires et politiques.[104] Cependant, au cours des dernières années, diverses publications de Michael Albert[105] et d’autres auteurs[106] proposent des institutions qui vont bien au-delà de la sphère économique et qui disent s’inspirer de l’économie participaliste. Bien qu’intéressantes, ces pistes de réflexions n’ont pas été développées avec la profondeur de l’économie participaliste et pointent vers des institutions émancipatrices davantage qu’elles ne les explicitent clairement. J’ai donc choisi de laisser de côté ces réflexions pour préférer me concentrer sur l’aspect qui était le plus achevé par ces auteurs. Un seul texte fait ici exception, c’est celui de Stephen Shalom à propos d’un système politique compatible avec l’économie participaliste[107]. Ce système n’est pas très complexe : il propose de transformer les conseils de consommateurs et consommatrices en conseils locaux et de leur attribuer la possibilité de prendre des décisions politiques selon le mode de fonctionnement confédéral déjà présenté. Ainsi, ces conseils discuteraient de ce qui est permis et interdit et tenteraient de s’entendre entre eux pour des questions qui dépassent leur seule législation.

Résumé des institutions de l’émancipation de l’économie participaliste

Nous avons vu que l’économie participaliste se fonde sur une théorie sociologique peu connue appelée holisme complémentaire. Cette théorie conçoit la société comme étant divisée en plusieurs sphères qui contiennent des institutions sociales répondant aux besoins et désirs humains. Le fonctionnement de ces institutions façonne les désirs et besoins humains tout comme les institutions sont façonnées par ces désirs et besoins. Ces institutions peuvent imposés des billets systématiques en défaveur de certaines parties de la population : d’où le sexisme, le racisme, etc.

À partir de cette théorie sociale, Michael Albert et Robin Hahnel tentent de développer un modèle économique alternatif au capitalisme qui aurait pour avantage de ne pas avoir de biais en défaveur de quelque part de la population que ce soit. Ils proposent d’abord de socialiser les moyens de production —plutôt que de les étatiser ou de les laisser à des propriétaires particuliers—, en en rendant ainsi la société propriétaire et en en laissant la gestion aux gens qui y travaillent.

Cette gestion des moyens de production se fait de façon autogérée à travers des conseils de travailleurs et de travailleuses. Ces conseils prennent l’ensemble des décisions dans une entreprise, mais le font de façon décentralisée et en laissant un poids prépondérant à ceux et celles qui sont concerné-es par les décisions.

En contrepartie de ces conseils centrés sur la production se trouvent les conseils de consommateurs et consommatrices qui eux se divisent sur des bases géographiques. Ces conseils permettent de décider collectivement des besoins de consommation des différents milieux de vie. Ils sont, eux aussi, organisés de façon concentrique en partant des plus petits milieux de vie, jusqu’aux plus grandes unités.

L’allocation des ressources se fait à partir de la collaboration entre les conseils de consommateurs et consommatrices et les conseils de travailleurs et travailleuses par un procédé appelé planification participative. Ce procédé fondé sur un principe de proposition/itération permet de diriger les ressources (humaines et matérielles) au bon endroit sans faire appel au système du marché ni à la centralisation autoritaire.

[1] Je reprends ici le terme utilisé par Pascal Lebrun, même si je ne suis pas certain de goûter le néologisme. Du moment qu’il existe il est probablement mieux d’avoir un usage commun et uniforme pour simplifier le référencement et les discussions. Voir : Lebrun, Pascal, L’économie participaliste, Montréal : Lux, 2014, 300 p.

[2]Pour plus de détails sur l’histoire des deux auteurs, on lira : Albert Michael, Remembering Tomorrow: from SDS to Life After Capitalism, New York, Seven Stories Press, 2006, 452 p.

[3]Entendu ici non pas selon l’acception traditionnelle du nationalisme, mais bien au sens de l’affirmation nationale des gens issues de minorités ethno-culturelles aux Etats-Unis.

[4]Albert Michael et al., Liberating Theory, Boston, South End Press, 1986, p.6-11.

[5]Les auteurs emploient les termes « human center ». Comme je trouvais la traduction « centre humain » peu heureuse en français nous nous contenterons, comme le propose Jean-René David dans son résumé étendu de l’œuvre (qui n’est plus disponible sur Internet), du terme « centre » qui paraît suffisant.

[6]Albert Michael et al., Liberating Theory, op. cit., p.19.

[7]Ibid., p.20.

[8]Ibid., p.20-21.

[9]Ibid., p.20.

[10]Ibid.

[11]C’est ainsi que je traduis le kinship employé par les auteurs. Le terme « parenté » ne me satisfait pas car il exclu l’aspect plus affectif du terme kinship (comme dans l’expression she felt kinship with the others). Ce qui nous permet d’inclure des rapports genrés mais extra-familliaux dans cette sphère.

[12]Albert Michael et al., Liberating Theory, op. cit., p.14-15.

[13]Ibid., p.6-8.

[14]Ibid., p.8-9.

[15]Ibid., p.77.

[16]Ibid., p.77-80.

[17]Ibid., p.76.

[18]Ibid., p.80.

[19]Albert Michael, Parecon: Life After Capitalism, London, Verso, 2003, p.29-42.

[20]Hahnel Robin, Of the People, by the People: The Case for a Participatory Economy, Oakland, Soapbox Press, 2012, p.45.

[21]Albert Michael, Parecon, op. cit., p. 89.

[22]Hahnel Robin, Of the People, by the People, op. cit., p.46.

[23]Albert Michael et Hahnel Robin, The Political Economy of Participatory Economics, Princeton, Princeton University Press, 1991, pp.132p.23-24.

[24]Albert Michael, Parecon, op. cit., p. 94-102.

[25]Albert Michael et Hahnel Robin, Looking Forward: ParticipatoryEeconomics for the Twenty First Century, Boston, South End Press, 1991, pp.153p.21.

[26]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.93.

[27]Ibid., p.102.

[28]Hahnel Robin, Of the People, by the People, op. cit., p.49.

[29]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.94

[30]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy: From Competition to Cooperation, New York, Routledge, 2005, p. 191.

[31]Albert Michael et Hahnel Robin, The Political Economy of Participatory Economics, op. cit., p.40-41.

[32]Ibid.

[33]Ibid., p.41-42.

[34]Hahnel Robin, Of the People, by the People, op. cit., p. 55.

[35]Albert Michael et Hahnel Robin, Looking Forward, op. cit., p.19-20.

[36]Ibid.

[37]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.190.

[38]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.105-106.

[39]Albert Michael et Hahnel Robin, The Political Economy of Participatory Economics, op. cit., p.27-29.

[40]Ibid., p.45.

[41]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.29.

[42]Albert Michael et Hahnel Robin, The Political Economy of Participatory Economics, op. cit., p.47-48.

[43]De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins.

[44]Albert Michael, Parecon, op.cit., p.37-38. Cependant, dans un ouvrage récent, Robin Hahnel affirmait que finalement, le caractère profondément démocratique de l’économie participaliste rendait tout-à-fait possible de fonctionner selon cette maxime distributive si tel était le choix des gens qui y participaient. Hahnel Robin, Of the People, by the People, op. cit., p.73-74.

[45]Albert Michael et Hahnel Robin, The Political Economy of Participatory Economics, op. cit., p.8-9.

[46]Hahnel Robin, Of The People, By The People, op. cit., p.30.

[47]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.205-252.

[48]Ibid., p.66-67.

[49]Albert Michael et Hahnel Robin, Looking Forward, op. cit., 127-128.

[50]Albert Michael et Hahnel Robin, « Participatory Planning », Science & Society, vol. 56, 1, 1992, p. 46-51.

[51]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.130-131.

[52]Albert Michael et Hahnel Robin, The Political Economy of Participatory Economics, op. cit., p.66-67.

[53]Albert Michael et Hahnel Robin, “Participatory Planning”, op. cit., p.52-54.

[54]Ibid.

[55]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.199-200.

[56]Hahnel Robin, Of the People, by the People, op. cit., p.94-95.

[57]Albert Michael, Parecon, op. cit.; Albert Michael et Hahnel Robin, The Political Economy of Participatory Economics, op. cit., p.107-130.

[58]Albert Michael et Hahnel Robin, Looking Forward, op. cit., p.75-77.

[59]Hahnel Robin, Of the People, by the People, op. cit., p.119-120.

[60]Albert Michael et Hahnel Robin, Looking Forward, op. cit., p.121-123.

[61]Hahnel Robin, Of the People, by the People, op. cit., p. 119-120.

[62]Le premier parce qu’il est décédé avant la publication de plusieurs ouvrages que nous avons cités (quelques exceptions subsistent notamment ses échanges, cités précédemment, avec Varela, Nidal-Vaquet, Cohn-Bendit et l’équipe du MAUSS) et le second parce que son attitude particulière et son style rhétorique le rendait carrément hostile à toute critique (pour s’en convaincre on lira, entre autre, les ouvrages d’Andrew Light, Damian White et David Watson précédemment cités qui font état des réactions orageuses voire carrément vindicatives de Bookchin aux critiques qui lui étaient formulées).

[63]Weisskopf Thomas, « Toward a Socialism for the Future, in the Wake of the Demise of the Socialism of the Past », Review of Radical Political Economics, vol. 24, 3 et 4, 1992, p. 14-17.

[64]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.225.

[65]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.236.

[66]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.229.

[67]Ibid., p.226.

[68]Ibid.

[69]Albert Michael, Parecon, op. cit. p.234.

[70]Ibid.

[71]Hager Mark, « Looking Forward: A Roundtable on Participatory Economics », Z Magazine, 1991, p. 71.

[72]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.234.

[73]Ibid.

[74]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.235-236.

[75]Ibid.

[76]Weisskopf Thomas, “Toward a Socialism for the Future, in the Wake of the Demise of the Socialism of the Past”, op. cit., p.20.

[77]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.236.

[78]Ibid.

 

[79]Ibid., p.237.

[80] Ibid.

[81]Scialabba George, « A Participatory Economy », Dissent, 1992, p. 282.

[82]Folbre Nancy, « Looking Forward: A Roundtable on Participatory Economics », Z Magazine, 1991, p. 69.

[83]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.256-257.

[84]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.218.

[85]Ibid., p.219.

[86]Ibid.

[87]Folbre Nancy, “Looking Forward: A Roundtable on Participatory Economics”, op. cit.

[88]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.255.

[89]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.223-224.

[90]Scialabba George, “A Participatory Economy”, op. cit.

[91]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.242-243.

[92]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.254

[93]Hahnel Robin, Of the People, by the People, op. cit., p.111-113.

[94]Kotz David, « Socialism and Innovation », Science & Society, vol. 66, 1, 1992, p. 94–96.

[95]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.239-241.

[96]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.251-252.

[97]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.241.

[98]Weisskopf Thomas, “Toward a Socialism for the Future, in the Wake of the Demise of the Socialism of the Past”, op. cit., p.17-18.

[99]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.289.

[100]Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.250.

[101]Albert Michael, Parecon, op. cit., p.290-291.

[102]Albert Michael et Hahnel Robin, The Political Economy of Participatory Economics, op. cit., p.73-106.

[103]Jason Pramus cité dans Hahnel Robin, Economic Justice and Democracy, op. cit., p.249.

[104]Albert Michael et Hahnel Robin, Looking Forward, op. cit., p.143-144.

[105]Albert Michael, Realizing hope: life beyond capitalism, Londres, Zed Books, 2006; Albert Michael et Evans Mark, Occupy Vision, Woods Hole, ZBooks, 2012, 185p.

[106]Spannos Chris (ed.), Real utopia: participatory society for the 21st century, Oakland, AK Press, 2008, pp.416p.

[107]Stephen Shalom, « ParPolity: Political Vision for a Good Society », Znet, 2005, http://www.zcommunications.org/parpolity-political-vision-for-a-good-society-by-stephen1-shalom.html.

Dans le cadre du projet de recherche en cours :
Planification économique démocratique

Axes de recherche :
Émancipation