Appel à participation

8 avril 2020 · 9:00 à 16:00

Les équipes du Centre de Recherche sur les Innovations et les Transformations Sociales (CRITS) et du Centre de Recherche sur les Innovation Sociales (CRISES) souhaitent ouvrir une discussion sur les possibilités d’action collective au sein de nos institutions universitaires afin d’en faire des espaces propices aux innovations sociales émancipatrices autant dans ses pratiques de services à la communauté, de recherches que pédagogiques.

Cette journée de séminaire engagée est ouverte et n’exige pas nécessairement de votre part la présentation de résultats de recherches. Elle prendra la forme, en matinée, d’une série de trois ateliers liés aux trois facettes de nos taches professorales. Puis, en après-midi, nous aborderons les enjeux d’une mobilisation collective afin de faire valoir des principes et pratiques cohérents avec un horizon partagé d’innovation sociale et de transformation sociale.

Depuis quelques années, des voix se font entendre qui critiquent la nature aliénante et exclusive du milieu universitaire. De multiples pressions institutionnelles vont à l’encontre des aspirations qui auront poussé bien des chercheur·e·s engagé·e·s à entreprendre une carrière universitaire. Comme le décrivait Craig Calhoun, ancien président du Conseil de recherches en sciences sociales des États-Unis, le milieu académique demeure des plus hiérarchisés. Les professeur·e·s se voient classé.e.s selon différents rangs, les professeur·e·s adjoint·e·s tentent de sécuriser un poste permanent et une portion grandissante de diplômé·e·s sans poste permanent vivent dans une compétition constante afin d’être considérés pour une embauche, une charge de cours ou un contrat de recherche. Les universités sont comparées en fonction de leur prestige de recherche au sein de classements nationaux et globaux. L’excellence y est réduite à un certain nombre de variables poussant vers l’uniformisation des modèles universitaires. Ceci discipline les universités et les départements dans l’embauche des professeur·e·s, dans l’allocation des ressources et le type de travail qui y est valorisé. Ces pressions nous enferment dans une logique de compétition et vont à l’encontre des appels répétés en faveur d’une vision de l’université humaniste qui marque une différence pour la société et qui s’imbrique aux enjeux de justice sociale. Pour toutes ces raisons, l’invitation de Chandra T. Mohanty à transformer fondamentalement notre pratique institutionnelle nous semble de grande actualité.

Une première facette touche aux diverses expérimentations en recherche visant à renouer avec l’engagement social. Il demeure évident que les ressources et privilèges à notre disposition ont un potentiel énorme de soutien envers les organisations sociales. Par contre, il appert que la quotidienneté de notre pratique universitaire nous amène à négliger les espaces de convergence et de collaboration. Le temps manque pour tout; pour les cours, les comités, la supervision, les demandes de subventions, la recherche, etc. Pour plusieurs, la tension entre ressources et temps disponibles limite le potentiel transformateur des projets menés. En effet, les approches collaboratives, participatives et de recherche-action sont extrêmement élaborées dans leurs diverses déclinaisons théoriques et méthodologiques mais serait-il juste d’affirmer qu’elles demeurent, à ce jour, peu influentes en réalité pour marquer un changement important des pratiques quotidiennes des professeur·e·s de nos institutions? Comment défendre l’autonomie professorale, par exemple vis-à-vis de pressions politiques ou économiques, tout en promouvant une recherche collaborative porteuse de davantage de justice épistémique ? Au-delà de la coconstrution des connaissances, quelle contribution à la coproduction de l’action collective ?

Une seconde facette de ce problème touche la pratique pédagogique qui est particulièrement bafouée par la compétition pour le financement que se livrent les universités entre elles. La maximisation des revenus institutionnels est prépondérante vis-à-vis les décisions administratives touchant la pédagogie. Cela se traduit par une augmentation des effectifs administratifs dans les universités mais aussi une augmentation du ratio professeurs·e·s / élèves, en plus de procéder à l’embauche, de plus en plus fréquente, de professeur·e·s sur des contrats à durée limitée avec une plus grande charge d’enseignement. Ces pratiques sont le résultat d’années de réformes néolibérales. L’une de ses conséquences est de contraindre l’enseignant·e, par manque de ressources, à se retrancher dans sa posture magistrale et à réduire le dialogue à l’extrême. C’est un modèle d’éducation que Paulo Freire qualifiait de « bancaire », où la transmission du savoir est unilatérale, formaliste et désincarnée. Freire opposait à ce modèle, un qui est libérateur, dont les contenus sont flexibles et son horizon est de cultiver « l’esprit critique ». Les professeur.e.s se dédiant à sortir de ce modèle bancaire par des expérimentations pédagogiques voient leurs effort sous-valorisés. Pour des chercheur·e·s consacrant leurs recherches à l’innovation et la transformation sociale, tout comme à la coconstruction des connaissances, ce cadre pédagogique est d’autant plus insatisfaisant. Quelles pratiques pédagogiques afin de mettre en adéquation nos aspirations, nos résultats de recherche et notre enseignement ? Avec qui les mettre en œuvre, en dehors du soliloque professoral ? Quels principes pédagogiques est-il nécessaire de promouvoir et de faire reconnaitre auprès de nos institutions ?

Une troisième facette de ce problème concerne les processus situés de transformations institutionnelles. Comment mettre en œuvre des espaces, des programmes et du financement permettant des pratiques à contre-courant ? Au-delà d’expériences individuelles et limitées, comment investir plus frontalement les espaces de développement institutionnel de l’université afin de renverser à petite échelle le tournant néolibéral des institutions ? Ceux et celles qui contestent l’université comme espace de compétition délaissent trop souvent les tâches administratives qui sont pourtant celles qui permettent de donner une orientation et un projet social à un département ou une école. Notre réalité actuelle nous force à poser la question épineuse du comment changer nos institutions ici et maintenant. Si nous acceptons la proposition selon laquelle, pour transcender la logique disciplinante du milieu universitaire, une action concertée est nécessaire, il s’agirait donc de faire de l’université un lieu d’innovation sociale et de mobilisation collective. Ceci implique d’intégrer à notre pratique professionnelle engagée une forte dimension d’organisation collective afin de faire des gains concrets, pour matérialiser une forme de recherche engagée effective et une pédagogie qui lui corresponde. Ce questionnement, déjà à l’œuvre depuis quelques années (voir par exemple, l’Academic Manifesto ou cet essai à l’USP), est encore plus nécessaire dans un contexte d’urgence climatique où de nombreuses règles d’excellence académique font partie du problème (pensons a minima à la célébration de la conférence académique lointaine). Comment penser et créer des espaces universitaires répondant à d’autres logiques ? Ce défi invite à préfigurer, créer, collaborer, appartenir, et, ainsi, se reconnecter aux aspirations qui auront poussé plusieurs à s’engager sur le chemin d’une carrière universitaire.

Nous vous convions donc à une journée d’échanges sur la pédagogie et l’engagement dans l’université.

  • Une proposition de communication n’est pas nécessaire à votre participation.
  • Veuillez nous confirmer votre intention de vous joindre à nous avant le 15 mars 2020 en précisant votre affiliation et courriel.
  • Des suggestions de communications, de sessions d’animation, ou d’autres types d’activités sont aussi bienvenues. Dans ce cas veuillez nous faire parvenir un titre et un résumé de 200 mots.

Pour confirmer votre présence, pour toutes informations ou pour transmettre des propositions,

veuillez contacter Philippe Dufort (pdufort@ustpaul.ca).

L’événement aura lieu à l’Atelier d’innovation sociale Mauril-Bélanger, 95 rue Clegg, Ottawa. 

 

Programme détaillé

merc. 8 avril

Mot de bienvenue par Philippe Dufort (Université Saint-Paul, CRITS) et Sylvain A. Lefèvre (UQAM, CRISES).

Quel bilan faisons-nous des multiples expérimentations de recherche partenariale / recherche action et quelles pistes s’offrent à nous dans le contexte actuel pour réfléchir à leur avenir? 

Avec la participation de : Isabel Heck (Paroles d’excluES/UQAM, CRISES), Sylvain A. Lefèvre (UQAM, CRISES).

Quelles pratiques pédagogiques émancipatrices sont aujourd’hui possibles au sein de nos institutions et qu’elles sont celles qui devraient inspirer les transformations à venir? 

Avec la participation de : Luc Audebrand (U. Laval, CRISES), Marc D. Lachapelle (HEC, CRITS), Lauren Levesque (Université Saint-Paul, CRITS).  Chantale Maillot (HEC, CRISES), Marlei Pozzebon (HEC, CRISES).

Comment transformer institutionnellement nos universités afin d’ouvrir des espaces émancipateurs ici et maintenant?

Avec la participation de : Jeanne-Marie Rugira (UQAR), Nadia Duguay (Exeko, CRITS), Philippe Dufort (Université Saint-Paul, CRITS).

Sur les bases construites au cours des ateliers de la matinée, des  nous engagerons en après-midi un dialogue situé sur les termes possible d’une action collective au sein de nos institutions universitaires afin d’ouvrir des espaces et des pratiques pédagogiques émancipatrices. Ce débat sera précédé d’une présentation de Louise Briand et Marie-Laure Dioh (UQO, CRISES) sur leur enquête en cours : « Exercice de la fonction professorale, cogestion et nouvelle gestion publique. Enquête auprès des professeures et professeurs dans les établissements de l’Université du Québec ».