Conférence de Martin Hébert: Espaces utopiques : réflexions sur les pratiques émancipatoires intentionnelles en Amérique latine du XVIe siècle à aujourd’hui

2 décembre 2019 · à

Espaces utopiques : réflexions sur les pratiques émancipatoires intentionnelles en Amérique latine du XVIe siècle à aujourd’hui

Résumé: Les débats sur la pertinence d’utiliser le concept d’« utopie » pour aborder les expériences politiques transformatrices et émancipatoires sont actifs dans plusieurs milieux aujourd’hui. Dans un échange de 2014, Armando Bartra et Enrique Dussel appelaient à une spatialisation de l’utopie, invitant à la penser dans le « ici et maintenant » de la politique à chaud et dans une logique de l’émergence plutôt qu’à la projeter dans le futur abstrait d’un avenir radieux. Cette position est en résonance avec le principe que les rêves et les aspirations politiques ne prennent leur véritable sens que dans des expériences concrètes qui construisent non pas en planifiant, mais en faisant. Par contre, cette opposition entre l’utopisme « froid » de la planification et l’utopisme « chaud » des processus émergents est souvent cadrée comme une tension entre la pensée occidentale moderne et les pensées qui lui sont autres. On se sert de More, Campanella ou Marx pour illustrer une tendance à l’utopisme abstrait et totalisant et on leur oppose les escuelitas zapatistes ou le buen vivir comme des utopismes ancrés dans le vécu et l’expérience concrète de la périphérie. On oppose ainsi les utopies qui s’expriment par des renvois à la raison, et celles qui vivent par la pratique et les sens profondément situés. En réfléchissant principalement à partir de l’histoire de l’utopisme en Amérique latine, nous nous demanderons si cette distinction est utile à une véritable « spatialisation » de l’utopie. Ne trouve-t-on pas des utopies tributaires de la modernité qui se déploient dans l’expérience, dans le particulier et dans des mises en récits autres que celle du plan rationnel ou de la marche de l’Histoire? Ne trouve-t-on pas, dans la périphérie, des utopismes qui perdent leurs amarres locales et virent à l’abstraction? Ouvrir une discussion sur la spatialisation de l’utopie semble donc nous demander d’affiner notre compréhension de cette figure et de ses rapports diversifiés et complexes aux expériences concrètes.

Martin Hébert est professeur titulaire au département d’anthropologie de l’Université Laval. Ses intérêts de recherche portent sur l’anthropologie de la mobilisation politique, les imaginaires sociaux, et les mouvements autochtones en Amérique latine. Martin Hébert est membre du GRIPAL (Groupe de recherche sur les Imaginaires politiques en Amérique latine) et du CIÉRA (Centre d’études et de recherches autochtones).

Cet événement est organisé dans le cadre des midi-conférences du Centre de recherche sur les innovations et transformations sociales (CRITS).

Lieu: Atelier d’innovation sociale Mauril-Bélanger, salle Desjardins, accessible via le 95 rue Clegg, Ottawa.
Date: Lundi 2 décembre 2019
Heure: 12h00 à 13h30

Lien Facebook: https://www.facebook.com/events/459356504785551/

Image: Maria L. Guillen Valdovinos