Réseau d’entrepreneuriat : un agir intelligent pour le bien-être collectif

Prophète Charlottin – Étudiant à la maîtrise en innovation sociale, Université Saint-Paul

Dans son ouvrage intitulé « Comprendre la société », Michel Lalonde (2008) étale la transformation, au cours des siècles, de cette autarcie vers une économie de marché.  Le développement du marché a donné naissance au système capitaliste. Ce système qui perdure et maintient la pauvreté dans le monde soulève des acteurs de l’économie sociale à travers la planète sous plusieurs formes d’action : la création des coopératives, des mutuelles, des réseaux d’entrepreneuriat social. Ainsi, mon projet de thèse a pour objectif d’évaluer l’impact des deux réseaux d’entrepreneuriat sur leurs membres et les résident.es de la Gonâve. Je suis intéressé à savoir comment les membres arrivent à collaborer dans situations si complexes et comment ces réseaux pourraient devenir une source d’innovation pour la Gonâve, en particulier et pour Haïti, en général. Je suis intéressé à savoir également comment mes connaissances optimisées avec le savoir local peuvent générer d’autres connaissances utiles pour l’avenir. Principalement, ma recherche est en quête de moyen d’optimiser la théorie de l’émancipation sociale avec le savoir local afin d’éroder le système capitaliste au profit d’un bien-être collectif. Cet article s’inscrit dans une démarche de motivation à la cocréation des réseaux d’entrepreneuriat social, dans un processus d’un agir intelligent pour le bien-être collectif, autour d’une analyse d’un cas, à la Gonâve, Haïti. Dans un premier temps, je vais faire une mise en contexte au niveau des concepts clés : entreprise, entrepreneuriat, réseau d’entrepreneuriat, entrepreneuriat social, agir intelligent. Dans un second temps, je vais présenter le cas concernant la création de deux réseaux d’entrepreneuriat à la Gonâve, en Haïti.

  1. Entreprise vs Entrepreneuriat

Dans le cadre de ma recherche, j’opte pour le concept entrepreneuriat. Il y a une différence entre entrepreneuriat et entreprise. Dans le Thésaurus de l’activité gouvernementale (Gouvernement du Québec, 2021) du Gouvernement du Québec, le terme entreprise est définie comme : « un ensemble des milieux qui œuvrent dans le monde des affaires. Activité lucrative de quelque nature que ce soit, à l’exclusion d’une charge ou d’un travail exécuté par un salarié » et le terme entrepreneuriat comme : « un ensemble des qualités personnelles, des compétences sociales et des habiletés en matière de création, de développement d’entreprises et d’actions innovantes ou reconfigurées, qui sous-tendent un mode de comportement engagé vers la réussite ».

Au regard de ces définitions, vous allez comprendre que ma démarche est axée l’humain mais non sur l’institution. Le processus de ma recherche s’étend sur l’évaluation de l’émancipation de l’entrepreneur au sein du réseau et également son apport à l’émancipation collective. D’après la définition d’entrepreneuriat, plus haut, l’entrepreneur est visé par beaucoup d’attentes. Il est condamné à la réussite. En ce sens, Fontan et al. (2004) font une analyse approfondie du concept tel que vu par Joseph A. Schumpeter qui considère l’entrepreneur innovateur comme celui a pour devoir de réaliser les combinaisons nouvelles de facteurs de production dans l’entreprise. En ce sens, l’entrepreneur est en constante innovation pour répondre efficacement aux nouveaux besoins. Dans cette optique, les activités entrepreneuriales de l’entrepreneur nécessitent un cadre plus large que celui de l’entreprise. Je ne fais pas de distinction entre entrepreneuriat social et entrepreneuriat commercial dans le cadre de cette recherche-action. Je constate que n’importe quel réseau d’entrepreneuriat dans un pays en développement, comme Haïti, facilite l’émancipation. En m’appuyant sur ma récente expérience sur le terrain, les deux types peuvent permettre l’obtention d’un bien-être collectif et éroder le système capitaliste et l’assistanat dans l’île de la Gonâve. Cependant, il convient d’éclaircir la distinction entre un réseau d’entrepreneuriat commercial et un réseau d’entrepreneuriat social.

  1. Les réseaux d’entrepreneuriat social et commercial

Mon intérêt de recherche vise l’entrepreneuriat social dans le contexte marchand du terme. L’École Supérieure des Sciences Économiques et Commerciales (ESSEC) divise l’entrepreneuriat social en deux grands secteurs, selon Sibieude et Threlu-Kane (2011) : le secteur à but non lucratif et celui purement marchand dont chacun se subdivise en deux sous-secteurs. Dans le premier secteur on trouve les fondations et les associations qui ne sont pas fiscalisées (purement non marchand) et de l’autre côté les associations fiscalisées (les entreprises d’insertion), les coopératives et les mutuelles (marchand). Les entités du secteur à but non lucratif reçoivent des subventions. Au niveau du secteur lucratif (purement marchand) qui comporte deux sous-secteurs dont la finalité sociale de l’un est supérieure à la finalité économique (économie sociale et solidaire) et la finalité économique de l’autre est supérieure à la finalité sociale (les entreprises classiques). Établir un ou des réseaux d’entrepreneuriat dans des pays en développement, comme Haïti a pour objectif d’aider à l’émancipation des gens vers un résultat ultime, le bien-être collectif, c’est-à-dire, aider les entrepreneurs à établir des conditions visant une finalité sociale supérieure à la finalité économique dans leurs démarches entrepreneuriales. Dans le cadre d’un pays en développement, il est crucial de ne pas négliger d’accompagner les entrepreneur.es des entreprises commerciales classiques qui visent une prise en compte d’une grande responsabilité sociale et environnementale. En ce sens, pour atteindre le résultat ultime, il est important, lors des interventions, de sensibiliser les entrepreneur.es à se grouper en deux types de réseau : un type social et un type commercial.

  • Le social

« L’entrepreneur.e social.e constitue un archétype (modèle) de citoyen.ne qui décide d’utiliser une démarche entrepreneuriale pour répondre à des besoins sociaux », d’après Brouardet Al. (2010). Dans ce secteur, on trouve les associations, les fondations, les coopératives, les mutuelles et également les entreprises d’insertion (très utiles mais de pourcentage faible dans les pays en développement, comme Haïti). Intervenir dans ce secteur est une démarche de motivation à l’endroit des entrepreneur.es qui visent déjà le social (l’humain) comme point central à s’organiser en réseau. La raison de cette démarche est développée plus bas. Cependant, il est important de mentionner, par expérience de terrain, que beaucoup d’entrepreneur.es sociaux(les) privilégient leur intérêt personnel au détriment de l’intérêt collectif. Dans une démarche de création d’initiatives collectives, des embuches sont souvent dressées devant les intervenantes et intervenants sur le terrain. Un design collectif comme la cocréation d’un réseau d’entrepreneuriat social peut faire sortir de l’ombre la mesquinerie de certain.es entrepreneur.es, en d’autres termes, leur individualisme aigu. En dépit de la complexité de la situation d’intervention, on doit appliquer des stratégies contextuelles pour amener les acteurs à développer une intelligence collective en optimisant les connaissances théoriques et le savoir local. S’il est difficile de regrouper les entrepreneur.es sociaux (les) en réseau, il n’est pas moindre pour le secteur commercial.

  • Le commercial

Le secteur commercial dont la finalité économique prime sur la sociale, comme a vu plus haut. Les contextes d’interventions requièrent de la prudence. Ce secteur qui regroupe entrepreneur.es appartenant aux entreprises commerciales classiques formelles et informelles, même avec une forte responsabilité sociale, est un berceau du système capitaliste. L’égocentrisme y est marquant, ce qui implique une réticence pour le changement. Plus de détails par rapport à ce secteur sont élaborés dans l’étude de cas présenté plus bas. Les situations d’interventions sont différentes d’un secteur à un autre et au niveau du temps et du lieu. Un praticien-chercheur doit se préparer à faire face aux situations complexes afin d’amener les acteurs à agir intelligemment pour le bien-être collectif. En dépit des différences que représentent les secteurs pour une intervenant ou un intervenant, l’objectif principal de l’intervention doit demeurer le même : le bien-être collectif des gens du milieu.

  1. Agir intelligent pour le bien-être collectif

En parlant du Plan d’action pour l’entrepreneuriat collectif élaboré par le Gouvernement du Québec (2008), Madame Nathalie Normandeau, ancienne ministre des Affaires municipales a dit que c’est un « effort collectif qui contribuera à réaffirmer notre solidarité et nous permettra d’agir de façon proactive ». Elza Bonal (2011) souligne et je cite : « L’intelligence collective est le résultat d’un processus de coopération ». Selon moi, l’intelligence collective est un constat évolutif dans un processus de coopération pour aboutir au résultat ultime : le bien-être collectif. De toute manière l’intelligence collective permet d’être proactif. Il y a plusieurs raisons qui expliquent le pourquoi agir maintenant. Je vais citer quelques-unes, ci-après.

  • Les raisons d’agir

L’évolution du monde exige que l’on s’agence pour solutionner les problèmes présents et que l’on soit proactif en ce qui concerne ceux à venir, par exemple les pandémies, la pauvreté, les changements climatiques. On ne peut plus vivre en autarcie comme au temps primitif. Du même coup, on doit éviter de se diriger vers le capitalisme et l’égocentrisme, si l’on veut vraiment lutter contre la pauvreté et tout ce qui vient avec. Agir ensemble représente la seule issue pour améliorer le bien-être collectif et arriver au changement prôné par certains adeptes la pensée émancipatrice, spécialement ceux et celles de l’École d’Innovation Sociale Élisabeth-Bruyère. Dans le cadre d’un réseau d’entrepreneuriat qui est, selon Christos Pitelis (2012), « l’intégration sociale, de la création des valeurs, de la coopération, du support socio-institutionnel », beaucoup d’avantages s’offres aux entrepreneur.es et à leur communauté respective comme la coconstruction d’un savoir entrepreneurial, la réduction de couts d’exploitation, le partage des connaissances et également, enrichir les connaissances théoriques pour les futures générations. Un réseau d’entrepreneuriat comporte des impacts positifs pour les gens des communautés en question : augmentation du pouvoir d’achat, l’efficacité des produits et des services offerts, l’éthique entrepreneuriale (produits et services de qualité et écologiques). Je découvre cinq verbes d’actions qui décrivent bien les avantages d’un réseau d’entrepreneuriat : réseauter, collaborer, partager, innover et émanciper.  L’un ne doit fonctionner sans l’autre.

  • Réseauter

Cette action est considérée ici dans le sens de se socialiser, créer une famille et un esprit d’appartenance entre les membres. Beaucoup d’autres effets positifs accompagnent ce processus de socialisation. Dans un article « entrepreneuriat en réseau », Pierre Xavier et Burret Antoine (2012) font ressortir deux avantages dans le réseautage : apprendre et se développer. Ces auteurs poursuivent dans un autre article paru en 2014, en soulignant que l’effet réseau a pour effet la consolidation de projets et le développement de compétences et de connaissances nécessaires à l’entrepreneuriat.  D’un autre côté, Chell et Baines (2000) font remarquer que le réseautage permet aux entreprises membres de générer un savoir collectif pour l’innovation et l’assistance technique mutuelle. L’action de réseauter suscite l’engouement pour le partage entre les membres.

  • Partager

 C’est une action générée par un sentiment de vivre ensemble, de sympathie. Au sein d’un réseau d’entrepreneuriat, pour arriver à développer un savoir collectif nécessite le bannissement de l’égocentrisme. Le partage requière l’établissement de l’esprit d’ouverture. Dans le cadre d’un réseau d’entrepreneuriat le savoir, le savoir-faire et les expériences bonnes ou mauvaises. Le partage entre les membres d’un réseau va introduire une culture de collaboration.

  • Collaborer

  Le processus de collaboration est le plus difficile à conduire dans les actions entre les membres d’un réseau d’entrepreneuriat. Cela nécessite, au début, un travail d’observation, de décomposition de chaque membre pour initier graduellement la composition, c’est-à-dire, l’unité (l’être et le savoir collectifs). Tout cela pour dire que chaque entrepreneur arrive avec sa propre culture (son être et sa culture sociale), son savoir et son savoir-faire entrepreneurial. L’expérience et la culture de chaque membre peuvent engendrer des conflits et au fil du temps, constituer la richesse du réseau. Il est essentiel d’établir, ensemble, des règles afin de favoriser la mise en place d’une culture de respect mutuel et d’empathie. La collaboration exige la conception d’un modèle, c’est-à-dire, un design participatif qui tient compte de la diversité, des connaissances individuelles, des besoins d’apprentissage, du temps, du milieu et de la technologie disponible. Dans certains pays, comme le cas d’Haïti, la collaboration présente fait face à certains grands défis, surtout au niveau de la technologie et la confiance mutuelle, mais également une source de solution pour faire face à l’insécurité (plus élaboré dans le cas de la Gonâve, plus bas). Cependant, collaborer dans des situations complexes ouvre une porte vers l’innovation.

  • Innover

La collaboration permet de bien cerner les problèmes sociaux qui ralentissent le changement. Donc, collaborer pour innover, dans le cadre d’un réseau d’entrepreneuriat, est une façon de comprendre les causes des problèmes sociaux qui entravent le vivre ensemble, à l’instar de Julie Châteauvert et al. (2020) qui recommandent à tous les acteurs du changement à se questionner sur les sources des inégalités sociales, la dévastation environnementale et autres. Ce texte corrobore l’analyse historique de l’évolution du marché, au début de cet article, qui donne lieu à la naissance du capitalisme et des mouvements anticapitalistes dans le monde à cause de la croissance des inégalités sociales, surtout dans les pays en développement. Dans le contexte d’un réseau d’entrepreneuriat, il est également recommandé de procéder à des analyses profondes des causes qui empêchent l’évolution socioéconomique, individuellement et collectivement, espace offert par la collaboration, pour arriver à apporter des solutions innovantes qui facilitent une émancipation collective.

  • Émanciper

Comme je l’ai souligné au début de l’article, je suis intéressé au secteur marchand de la notion d’entrepreneuriat mais centré sur le social. Dans ce même document Julie Châteauvert et al. (2020) nous présente l’entrepreneuriat collectif comme un modèle émancipateur dans un processus de lutte contre un système capitaliste qui perdure. Si l’entrepreneuriat social a la capacité d’éroder le système capitaliste, la concertation des entrepreneur.es sociaux(les) en réseau représente un adversaire de taille pour ce système. La création des réseaux d’entrepreneuriat social, surtout dans les pays en développement, peut provoquer une réduction considérable du temps de transition de la rupture vers un modèle facilitant le bien-être social et économique de tous. À la lumière de ces analyses, on est bien imbu de la raison d’agir. N’est-il pas impératif d’agir?

  • Quand agir?

Dans son célèbre discours du 31 mars 1968, Martin Luther King a dit : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères (et sœurs), sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots (idiotes) », selon Philippe Bouteloup (2015). Je souligne, ici, les mots : « apprendre à vivre ensemble ». Cela revient à dire que vivre ensemble, agir ensemble, collaborer, c’est un apprentissage. De même que dans un réseau d’entrepreneuriat vivre ensemble est un processus, il n’est pas automatique. Comme on a vu plus haut, collaborer présente des défis. Malgré les défis, les différences entre chaque entrepreneur.e, les membres d’un réseau doivent se concerter pour trouver des solutions émancipatrices. Le monde fait face présentement à une pandémie mortelle qui réclame la concertation. Les inégalités entre pays, les luttes politiques entre les grandes puissances représentent des barrières pour trouver des solutions adéquates pour limiter les dégâts. Il en est de même pour les entrepreneurs qui optent pour une finalité sociale supérieure à la finalité économique, c’est maintenant qu’il faut agir pour résoudre ensemble les problèmes actuels et se préparer à faire face à l’avenir, sinon Martin Luther King aura raison de vous. Dans certaines régions dans un même pays, les contextes de collaboration sont différents mais l’agir ensemble est toujours possible. C’est le cas d’une création de deux réseaux d’entrepreneuriat dans l’île de la Gonâve, Haïti.

  1. Le cas des réseaux d’entrepreneuriat de la Gonâve, Haïti.

Sous la bannière de l’organisation Parler Agir dont je suis cofondateur, en partenariat avec le Centre de Développement et de Croissance Humaine (CDECH) et l’Association des Animateurs de Paysans de la Gonâve (AAPLAG), j’ai motivé la création de deux réseaux d’entrepreneuriat dans l’île, autour d’une recherche-action. L’un des réseaux se trouve à la ville principale, Anse-à-Galets (local de CDECH), et l’autre a pris naissance dans un village appelé Nan Café (local d’AAPLAG). La Gonâve est une île qui se trouve en face de Port-au-Prince, la Capitale de la République d’Haïti.

Cette région que je connais très bien et d’où je suis originaire fait face à tous les défis, comme problèmes de route, d’eau, de santé, d’éducation et également du commerce. La majorité des produits consommés sur l’île proviennent de l’extérieur. L’approvisionnement dépend des conditions météorologiques puisque la majorité des entrepreneurs utilisent des voiliers pour le transport des marchandises. La position géographique de l’île engendre plusieurs problèmes relativement au développement entrepreneurial. Le processus de recrutement était difficile pour moi. Je me suis fait aider par les partenaires locaux pour rencontrer les entrepreneur.es. Les gens du milieu ne sont pas familiers avec les activités de recherche ni avec le concept de réseau d’entrepreneuriat. Cela m’a pris quelques jours sur le terrain pour rencontrer les entrepreneur.es individuellement qui habitent dans des villages éloignés, excluant ceux et celles qui habitent Anse-à-Galets. Malgré cette démarche, les gens étaient réticents à y participer. Les explications sur le processus n’ont pas convaincu les participant.es qui ont considéré les séances d’atelier comme des séances de formation et non d’un processus de cocréation. J’ai organisé trois séances d’atelier de discussion en novembre 2020. Les membres du réseau d’Anse-à-Galets sont en majorité résident.es de cette ville et ceux et celles de Nan Café viennent de plusieurs localités différentes. Le contexte entrepreneurial de chaque personne est différent ainsi que collectivement le contexte entrepreneurial de chaque réseau est différent.

Les informations recueillies présentent des différences et des similitudes également dans certains points. Les premières séances, dans les deux locaux, se portaient sur l’analyse des forces et des faiblesses entrepreneuriales de chaque personne participante. Au cours de cette séance, une liste de forces individuelles étaient révélées par certaines personnes, par exemple : disponibilité d’un capital, un local pour l’entreposage et la vente; ce qui devenait des faiblesses collectives, par la suite. Au cours de la deuxième séance, les discussions se portaient sur les opportunités et les contraintes entrepreneuriales. La troisième séance, toujours pour les deux zones, se portaient à la cocréation d’un réseau d’entrepreneuriat. Au cours deux premières séances, les informations recueillies ont démontré les principaux problèmes que ces participant.es confrontent au jour le jour dans leurs activités entrepreneuriales. Le coût de transport est élevé, surtout pour ceux habitent dans les hauteurs. Le délai de réapprovisionnement est long à cause du système de transport disponible.

Le pire problème confronté par certain.es participant.es est l’insécurité. Les personnes participantes dans les deux régions mentionnaient leurs craintes de voyager pour le réapprovisionnement. Au cours du transport, ils ou elles peuvent, jusqu’à date, à l’agression sexuelle, au kidnapping, au vol et même à la mort. Comme j’ai opté pour la méthode participative sous forme de forum ouvert, cela a permis aux participant.es de se questionner sur les nouvelles façons d’agir pour faire face à ces problèmes. L’un des participant.es a expliqué ses péripéties lors du voyage de réapprovisionnement dans la Capitale.  Il a dû payer un backup pour sa sécurité et celle des marchandises. Il a payé plusieurs courses lors du voyage jusqu’à son retour dans son village. Les participant.es ont remarqué qu’un sac de riz lui a couté plus de 225 gourdes (monnaie haïtienne), excluant les frais de nourriture. J’ai procédé, par la suite, à une simulation en ce qui concerne l’effet réseau sur les couts d’exploitation et sur le bien-être collectif. La simulation a démontré que le fait de se concerter en réseau avec un approvisionnement collectif de marchandises que les entrepreneur.es concerné.es peuvent recevoir leurs marchandises sur place avec moindre coût (environ 75 Gourdes par sac de riz), absence de risque pour leur vie, en même temps, une diminution du prix de vente qui facilite l’augmentation du pouvoir d’achat des clients et du bien-être collectif. De même pour la disposition de fonds pour augmenter leur volume d’affaires, ils ont déduit qu’il est possible de s’organiser en mutuelle pour générer des fonds.

De nos jours le système capitaliste génère la pauvreté et les inégalités sociales sur toute la planète. Malgré les cris de certain.es adeptes du changement, certains organismes de développement et de droits humains pour sensibiliser la collaboration contre la pauvreté, la majorité des intervenants, des organismes, des entreprises à vocation sociale veulent poursuivre leur chemin dans leur individualisme. Beaucoup se disent concerter autour d’un problème social mais continuent à chercher leur propre solution. La peur de collaborer pour innover, afin de faciliter l’émancipation collective peut devenir un virus plus puissant que la Covid-19. Les membres de Parler Agir et moi espérons que la création des réseaux d’entrepreneuriat social permettra de répondre à certains défis et d’apporter des solutions pour favoriser le bien-être collectif sur l’île de la Gonâve.   

Bibliographie :

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Chell, E. Baines, S. 2000. « Networking, Entrepreneurship and Microbusiness Behavior », Entrepreneurship and local Development, vol. 12, p. 195-215.
Fontan, J.-M. et al. 2004. « Innovation et société : pour élargir l’analyse des effets territoriaux de l’innovation », Géographie, économie, societ́ e, Vol. 6, No. 4, 115-128.
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Gouvernement du Québec. 2021. Entreprise–Le Thésaurus de l’activité.
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Sibieude, T., Trellu-Kane, M. 2011. L’entreprise sociale (aussi) a besoin d’un business plan. Rue de l’échiquier.
Lalonde. M. 2008. Comprendre la société : une introduction aux sciences sociales. Presses universitaires de Rennes.
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Pitelis. C. 2012. « Clusters, entrepreneurial ecosystem co-creation, and appropriability: a conceptual framework », Industrial and Corporate Change, Vol. 21, no. 6, 1359–1388.

 

 

 

Axes de recherche :
Gestion démocratique