Ce billet n’a pas été rédigé sous la forme d’article académique, mais de notes personnelles qu’il me paraissait pertinent de partager plus largement auprès de mon ancien milieu de pratique (celui de l’impact social et du systems change), et du milieu académique impliqué dans ces questions.
Le solutionnisme social et environnemental : retour sur expérience
J’ai travaillé cinq ans dans les domaines de l’impact social et du systems change, dont les approches visent généralement à augmenter la pertinence et la profondeur de l’action d’un acteur organisationnel (du monde associatif, public ou privé) vis-à-vis des enjeux sociaux et environnementaux. Je réalise aujourd’hui que le raisonnement qui sous-tend ces approches, et qui leur confère la légitimité dont elles ont besoin, est un raisonnement qui n’aide pas la transformation sociale, qui ne nous aide pas à sortir de l’impasse actuelle. Il s’agit d’une rationalité stratégique, technique et gestionnaire : nous cherchons les « meilleures » solutions dans un contexte donné ; des solutions prétendument efficaces, rationnelles et proactives visant à « résoudre » des « problèmes » sociaux ou environnementaux. Ce sont ces solutions qui vont être valorisées, applaudies, rassembleuses. Or, comme je l’explique dans le texte ci-dessous, ce raisonnement permet aux acteurs dominants d’effacer la dimension conflictuelle et politique des enjeux sociaux et environnementaux, et de limiter le champ des possibles aux solutions qu’ils jugent pragmatiques/efficaces (tout en dénigrant les autres au passage).
Les milieux de l’impact et du systems change sont donc limités par deux impératifs paradoxaux: celui de générer de la transformation sociale profonde ; et celui de générer des solutions « apolitiques », pragmatiques et jugées comme efficaces par le(s) système(s) actuel(s). Transformer, mais sans faire de vague, et sans sortir de la rationalité dominante (c’est-à-dire la manière de penser dominante, ce qui est considéré comme raisonné, raisonnable, logique, voire naturel). En résulte un exercice périlleux cherchant à concilier un discours radical/critique (impératif n°1) et des solutions qui doivent être valorisées par les acteurs dominants et répondre à leurs critères d’éligibilité (impératif n°2). Ce qui en ressort, c’est une “sens-ure”[1] : les mots de transformation perdent leur sens et leur pouvoir, les lignes de lutte sont floutées ou effacées, on crée un vocabulaire qui s’apparente à la novlangue (c’est-à-dire que cela complique l’expression de pensées critiques et subversives). Quand on travaille dans ce domaine (très professionnalisé), on a beau être sensibilisés à ces risques, on y contribue quand même.
Dans ces milieux, on parle d’« intervenir dans un système », ce qui renvoie à l’idée que le système ne fonctionne pas de façon idéale ou optimale, et qu’il peut être amélioré grâce à des interventions chirurgicales, en quelque sorte. Or, non seulement il n’y a rien à « réparer » dans le système actuel (il fonctionne parfaitement selon les logiques qui lui sont propres), mais nous ne devrions pas essayer de le rendre plus optimal en réalisant telle ou telle intervention technocratique. En effet, l’impasse dans laquelle nous nous trouvons appelle précisément à sortir de cette logique de perfectionnement vers un prétendu modèle parfait de plus en plus complexe et global. Au contraire, il faut refaire de la place à la pluralité et à l’humilité. Et surtout, il faut réapprendre à délibérer, démocratiquement, des mondes dans lesquels nous voulons vivre.
D’ailleurs, ce ne sont pas des problèmes ou des crises qu’il s’agirait de résoudre, ni des catastrophes qu’il s’agirait d’éviter dans l’avenir : c’est un ravage déjà bien étendu et qui ne cesse de s’accroître, qui artificialise le monde, le dévitalise, le rend inhabitable et inhospitalier[2].
Au fil des réflexions, des tentatives et des désillusions, ma perspective a donc changé (et ce à de nombreuses reprises ; d’ailleurs, elle continue de changer). Ma source d’espoir a aussi changé. Elle se situe maintenant dans les formes d’action qui parviennent à nommer clairement les points de lutte et leur positionnement dans ces luttes. À nommer ce qu’elles refusent dans le monde actuel ou dans sa trajectoire ; ce qui est attaqué et donc qu’elles défendent. Elle se situe chez celles et ceux qui politisent[3] leurs gestes, y compris les gestes du quotidien, qui osent penser et construire un « monde post-croissance »[4] dès maintenant. Chez celles et ceux qui opposent au double mouvement du “système-monde” capitaliste (qui parvient à tout séparer et totaliser à la fois) un tout autre double mouvement : un mouvement qui parvient à retisser (les liens de co-constitution et de co-subsistance) et pluraliser (les façons d’être en lien avec le monde).
Bien sûr, ce travail appelle une autre temporalité que celle de l’urgence : il se fait sur le temps long, le temps de la transformation profonde et émancipatrice. Un travail sur le temps long, donc, mais qui s’inscrit dès maintenant en rupture avec les idées et les logiques dominantes qui nous maintiennent sur cette voie et nous paralysent. Évidemment qu’il y a urgence ; et je suis reconnaissant et solidaire avec l’ensemble des personnes qui agissent sur la temporalité de l’urgence, qui se mobilisent, dialoguent et obtiennent des avancées qui permettent de soulager les pires effets des crises actuelles. Cela étant dit, les actions qui se font sur la temporalité de l’urgence ne doivent pas contribuer à « enfermer » la société dans une trajectoire de perfectionnement du modèle actuel, alors que l’on doit éventuellement en sortir. Après tout, on peut dire des différents types d’actions (aux temporalités différentes) qu’elles sont complémentaires uniquement si l’une ne cannibalise pas l’autre. Il ne fait pas de doute qu’il est urgent de dévier et de ralentir la course mortifère dans laquelle nous sommes engagés. Mais est-il urgent de « solutionner » ?
Critique d’une idéologie du perfectionnement
Face aux ravages écologiques et sociaux en cours, il est urgent de bifurquer, c’est-à-dire de sortir de la trajectoire actuelle pour se laisser l’occasion d’expérimenter d’autres façons d’habiter le monde.
Cela dit, ce n’est pas cette philosophie qui apparaît dans les discours et débats actuels : à l’évidence, l’heure est à l’action et aux solutions. Toutes deux devant être “accélérées” : il faut “aller plus vite, plus loin, plus fort”[5] dans le déploiement des solutions. Cette course à l’action et aux solutions est désormais pleinement appropriée par les acteurs dominants ainsi que par les acteurs qui cherchent à « changer le système ». C’est cette course qui définit le principal cadre qui structure les débats sur les questions écologiques et sociales : agissons-nous suffisamment, doit-on en faire plus, quelles solutions devrions-nous déployer maintenant ? Étant donné qu’il y a effectivement urgence, nous sommes tentés de rejoindre, d’encourager ce déploiement accéléré de solutions, et de pousser les acteurs à en faire plus. Mais devrions-nous ? Dans ce cadrage, l’action et la solution sont considérées comme intrinsèquement positives, elles nous rapprochent forcément de notre objectif de « lutter contre les crises ». En résumé : il y a des crises, et on veut les « résoudre » ou les « gérer ». Comment ? En accélérant le déploiement de solutions. Quelles solutions ? Celles qui sont les plus efficaces, pragmatiques, raisonnables, rassembleuses.
Ce cadrage révèle une idéologie gestionnaire (ou managériale), techniciste, déconflictualisée et supposément apolitique : les enjeux sont traités avec les codes/outils de la gestion et de l’innovation, dans un univers où l’expertise, le pragmatisme et l’efficacité permettent d’évacuer le politique[6]. « L’agir optimal » devient une fin en soi : il se suffit à lui-même. On pourrait qualifier cette idéologie de « solutionniste », en s’appuyant sur les travaux de Evgeny Morozov, pour qui il s’agit d’une « idéologie prétendument post-idéologie [qui] recommande un ensemble de mesures ad hoc, dites pragmatiques » (2020), ceci dans une « quête sans fin d’amélioration » (2014, p.5).
Or, les enjeux sociaux et environnementaux sont politiques. Il y a de la conflictualité et des choix de société qui sous-tendent le passé, le présent et le futur de ces enjeux. C’est la première chose à reconnaître. Ces enjeux dépendent d’un certain ordre social (une certaine organisation sociale) et de certaines logiques dominantes qui se sont institutionnalisés à la suite de nombreux rapports de force, pour former la société d’aujourd’hui. Ces enjeux ont un historique de luttes et de conflits (qui continuent aujourd’hui), où des acteurs défendent des projets de société opposés, contradictoires.
Quand on reconnaît cela, on voit que l’idéologie solutionniste masque la dimension conflictuelle et politique des enjeux, et empêche la délibération sur les choix de société que l’on est en train de faire à travers ces solutions. « Réussir la transition » peut alors très bien mener à un monde dont on ne veut pas, dans lequel (par exemple) les logiques de contrôle, de domination, d’atomisation et de marchandisation du monde se sont accentuées, comme cela a été le cas durant les dernières décennies riches en démarches « écologiques ». Ainsi, les acteurs dominants « solutionnent » les crises sans avoir à expliciter les choix, arbitrages, positionnements, idéologies et visions du monde qu’ils défendent. Nul besoin d’ouvrir ce débat, car on souhaite simplement régler des problèmes, réaliser des interventions techniques (presque chirurgicales) dans le système, et lever des obstacles pour poursuivre ce que l’on était déjà en train de poursuivre comme vision du progrès.
On réalise alors que la vision de la « réussite » défendue n’est rien d’autre que de l’équilibrisme : concilier et gérer l’ensemble des crises sans renoncer à (ou en modifiant le moins possible) la façon dont nos sociétés sont organisées et la conception du progrès qu’elles défendent. L’idéologie « solutionniste » s’inscrit dans une logique de perfectionnement d’un système qui ne serait pas encore optimal puisqu’il produit des problèmes sociaux et environnementaux. Elle s’inscrit dans la continuité d’une quête bien précise : c’est cette vision dominante du progrès vers la modernité, vers une société « parfaite »[7], consensuelle et globalisée. Au final, il s’agit de « maintenir en marche le capitalisme mondialisé tout en résolvant les innombrables problèmes et contradictions qu’il génère. » (Morozov, 2020).
Un travail d’équilibrisme donc, pour perfectionner (et sauver) le système actuel. D’abord, cela donne l’illusion qu’il y a quelque chose à réparer ou à corriger dans le système actuel, alors que non, il fonctionne parfaitement selon les logiques qui lui sont propres. Mais surtout, ce sont des voies de sortie dont nous avons besoin : nous sommes dans une impasse et nous avons besoin de sortir de la trajectoire actuelle, et de changer certaines logiques fondatrices de nos sociétés qui détruisent et compromettent la vie sur terre (notamment ses logiques d’appropriation et d’administration du vivant). C’est la deuxième chose à reconnaître. L’impasse dans laquelle nous nous trouvons appelle donc précisément à sortir de cette logique de perfectionnement vers un prétendu modèle parfait de plus en plus complexe et global. Nous avons besoin de sortir du cadre (qui est de plus en plus consolidé), de refuser les logiques destructrices et oppressives, et d’expérimenter d’autres formes d’organisation sociales. Et c’est précisément ce que s’attachent à faire de nombreuses luttes à travers le monde, à tracer ces voies-là.
On pourrait penser que « perfectionner » le système n’est pas si mal, en attendant d’en sortir. Mais les impacts de cette idéologie solutionniste ne sont pas à minimiser. L’idéologie solutionniste permet de maintenir en place l’ordre établi et ne pas laisser émerger d’autres formes d’organisation sociale. Elle freine les luttes sociales et empêche les bifurcations radicales, et ce de plusieurs façons : en ajoutant de la confusion au monde, en déformant le langage et le sens des mots, en dépolitisant les enjeux, en monopolisant le champ des possibles et du pragmatique, et en dénigrant ou décrédibilisant les autres formes de réponses qui ne satisfont pas ses critères : trop politique, trop radical, pas assez conciliant, pas assez rassembleur, pas assez positif, etc. Surtout, cette idéologie contribue à techniciser les discussions/décisions qui concernent le futur de nos sociétés, et à les tenir en dehors de l’arène démocratique. Donc non, les « solutions » ne sont pas toutes complémentaires et bienvenues : il a une bataille entre les différentes solutions, certaines cannibalisent, décrédibilisent, freinent ou invisibilisent les autres. Il est important de renverser l’idée que toutes les solutions sont bonnes à prendre et nous rapprochent de la destination. D’ailleurs, les stratégies qui fonctionnent pour améliorer un système ne sont pas du tout les mêmes que celles qui nous permettent d’en envisager la sortie (de ce système).
Attention l’idée n’est pas de critiquer les solutions “technicistes” pour elles-mêmes, mais de critiquer le discours solutionniste et sa fonction d’effacement des autres bifurcations radicales possibles. Il s’agit de critiquer cette idéologie solutionniste qui mise sur le perfectionnement continu à travers des solutions technicistes, apolitiques, positivistes. Pour être clair, chaque dixième de degré de réchauffement évité, chaque espèce sauvée de l’extinction est absolument crucial. Chaque pas vers la justice et l’émancipation est important. Ainsi, il est délicat d’émettre l’idée que le solutionnisme serait désormais un phénomène plus dangereux que l’immobilisme et l’inaction. Après tout, les solutions qui proviennent de cette idéologie peuvent tout de même soulager un peu la destruction en cours. Mais en même temps qu’elles le font, elles empêchent autre chose : elles nous poussent encore plus loin dans certaines logiques et certaines trajectoires et empêchent la bifurcation pourtant tant nécessaire. C’est là que nous trouvons la posture éthique qui nous permet de nous y opposer.
Ce n’est pas un hasard que l’heure soit au solutionnisme, que les enjeux sociaux et environnementaux soient traités de façon technique (expert-only, technocratique, techno-centrée), entrepreneuriale et dépolitisée. Ce n’est pas un hasard que le débat écologique soit centré sur le quantitatif (émissions de CO2), le technique (l’innovation et l’ingéniosité) et le futur (un monde plus durable et résilient, qui aura limité les impacts des changements climatiques) alors que nous devrions regarder notre passé (la destruction déjà massive de la vie sur terre durant les quarante dernières années) et débattre de ce qui est à changer dans notre façon d’habiter le monde (notre façon d’exploiter, de marchandiser et d’administrer le vivant). Cette idéologie va de pair avec l’idéologie néolibérale, qui a activement participé à la diffusion des logiques marchandes, gestionnaires et technicistes à l’ensemble des sphères de la société jusqu’à notre propre notre rapport à nous-mêmes et au monde. Le dogme néolibéral a également orienté l’action en faveur de l’action privée, individuelle et entrepreneuriale, au détriment de l’action collective et politisée[8].
Si l’on ne parvient pas à repolitiser les enjeux et les solutions de transition socio-écologiques, on risque de « réussir la transition » tout en se retrouvant dans un monde dont on ne veut pas. Or, « réussir » ne consiste pas à gérer efficacement les crises, mais à défendre efficacement quelque chose auquel on tient et/ou auquel on aspire, et qui est attaqué, menacé, dans l’état actuel des choses (par exemple : l’émancipation, la solidarité, la démocratie, la simplicité, la lenteur, les savoirs non « modernes », les conditions de vie sur Terre, notre relationnalité avec le vivant humains et non-humains…). Pour cela, il faut laisser de plus de place à la délibération démocratique pour faire des choix de société ensemble. Repolitiser les enjeux et les solutions, et plus généralement la société, signifie réapprendre à délibérer de nos conceptions de la vie collective à l’échelle de notre quartier, notre pays et notre planète. Cela signifie comprendre où nous sommes et où nous allons (trajectoire actuelle), et savoir où nous voudrions aller (trajectoires alternatives) … Pour pouvoir ensuite nommer clairement ce que l’on défend et ce que l’on refuse, collectivement.
En résumé : on veut tous atténuer les crises écologiques en cours, mais certains veulent « gérer » ces crises et continuer à perfectionner notre modèle de société ; tandis que d’autres veulent rompre avec cette idée et bifurquer vers une société solidaire, sobre et émancipée. Il faut en discuter ouvertement, sans prétendre que tout est transformateur, durable, juste et inclusif ; sans prétendre que tout est compatible ou complémentaire ; sans prétendre que l’on a « les » réponses et qu’il suffirait de parvenir à les dérouler. Cela requiert notamment d’abandonner la recherche hâtive du consensuel et du rassembleur, et laisser plus de place au dissensus et aux divergences. C’est là que se révèle ce qui est en jeu, réellement. C’est là que l’on obtient de la clarté sur aujourd’hui, que l’on retrouve du sens sur demain. Pour Bruno Latour —qui propose de « cartographier les controverses », c’est-à-dire de décrypter « les points de friction dans notre vie collective, […] et suivre les coalitions qui se forment (et se déforment) au gré des débats —, il s’agit de « replacer l’incertitude au cœur de la démocratie, en sortant de la dissociation artificielle entre la science (qui serait en charge de dire le vrai) et la politique (qui serait en charge de dire le bon) » (Rio et François, 2021).
Quelles sont les implications de cette réflexion pour les acteurs de changement ? Mon intention ici n’est pas d’ajouter une énième exigence (de « pureté », de « radicalité ») sur les épaules des personnes qui s’engagent pour la justice sociale et/ou l’écologie ; ni de tracer une ligne claire entre les actions qui relèvent de l’idéologie solutionniste et ce qui n’en relève pas. D’ailleurs, mon argument concerne surtout les prémisses de l’action (regard sur le monde actuel et horizon de transformation) plutôt que l’action elle-même. Mon souhait est de requestionner les éléments de discours que l’on entend souvent au sein des sphères professionnelles qui cherchent à agir sur les enjeux sociaux et environnementaux. Dans la prochaine section, je reprends certains de ces éléments de discours et tente de favoriser une prise de recul par rapport à ceux-ci. Le but est de générer des réflexions donc, sans prétendre, dans ces quelques lignes, saisir toute leur complexité et toutes leurs implications pratiques.
Éléments de réflexions pour les acteurs de changement
Face au solutionnisme social et environnemental, il convient de requestionner les éléments de discours que l’on entend souvent au sein des sphères professionnelles qui cherchent à agir sur les enjeux sociaux et environnementaux. Dans ce billet, je reprends certains de ces éléments de discours et tente de favoriser une prise de recul par rapport à ceux-ci. Le but est de générer des réflexions donc, sans prétendre, dans ces quelques lignes, saisir toute leur complexité et toutes leurs implications pratiques.
« Ici, on ne parle pas politique »
Dans les sphères professionnelles, ce qui est de l’ordre du « politique » n’a souvent pas sa place. Dans la plupart des organisations qui veulent « changer le monde », on réalise l’exploit de parler des enjeux sociaux et environnementaux sans parler de la conflictualité inhérente à ces enjeux, et sans « parler politique ». Tout un exploit, qui perdure dans le temps ! En réalité, ces discussions « techniques » et « apolitiques » sont éminemment politiques, tellement politiques qu’elles arrivent à rendre invisible le fait qu’elles soient politiques. C’est ce qui se passe quand quelque chose atteint un certain stade d’hégémonie : c’est si dominant que ça le rend invisible (car considéré comme un état de fait, un allant de soi). Donc, si l’on résume : on accepte uniquement les discussions qui sont sur le registre de la rationalité technique (car ce serait prétendument en dehors du politique), et on interdit les façons « politiques » d’aborder ces discussions. Belle manière de cadrer la pensée et l’action à l’intérieur d’un petit cadre, et de prétendre que ce cadre représente l’entièreté du champ des possibles.
Il faut réaliser que les enjeux sociaux et écologiques sont des enjeux politiques. S’intéresser à ces enjeux implique de reconnaître les luttes passées et présentes qui en constituent l’historique, et de reconnaître que ces conflits concernent des projets de société opposés, contradictoires. C’est en ce sens qu’il s’agit d’enjeux politiques. Si l’on reconnaît que le monde est un monde en luttes, le changer nécessite forcément un positionnement politique et philosophique. Si l’on ne fait aucun choix, aucun positionnement autour des points de lutte, c’est forcément le statu quo qui gagne. Il faut réapprendre à délibérer et agir politiquement, pour pouvoir ensuite nommer clairement ce qu’on défend et ce que l’on refuse.
« Nous, on est pragmatiques »
Dans ces milieux professionnels tournés vers l’impact et/ou la transition, on est souvent très critique de certains éléments centraux du capitalisme néolibéral (ex. : croissance infinie, logique de conquête et de contrôle, compétition généralisée, extension de la privatisation, de la marchandisation…), mais pour « se mettre en action » on pense que le pragmatisme implique de travailler tous ensemble autour de solutions raisonnables selon les critères du capitalisme, des solutions qui démontrent une certaine compatibilité avec le capitalisme. On se dit que sans ça, ces solutions sont vouées à l’échec, et que l’on est mieux de viser le « progrès continu » plutôt que de risquer l’échec. Mais cela revient à jouer le jeu d’avance et de décider que l’on va perdre ; c’est nous qui considérons ces éléments centraux comme immuables alors qu’ils ne le sont pas. Et si, justement, notre « mise en action » consistait d’abord et surtout à exprimer notre refus, si ce n’est d’une logique du système actuel qui nous pose vraiment problème ; à exprimer en quoi cette logique est une attaque violente sur quelque chose qui nous tient à cœur ; et à s’organiser pour défendre une logique alternative.
Il y a un cercle vicieux qui semble se produire, entre les critiques et les pragmatiques. Les « pragmatiques » ont l’impression que les critiques sont incessantes, qu’elles finissent par aller trop loin et à ralentir/empêcher l’action efficace. Ou simplement qu’elles plombent l’ambiance, démoralisent, démobilisent : l’inverse de ce qu’il faut pour enclencher une transition. En réalité, les critiques et leur vision politisée et conflictuelle de la transition ne sont démoralisantes que dans la vision positiviste des choses. Si l’on accepte de voir l’ampleur de ce qui est détruit ou menacé par le système actuel, toute action (petite ou grande) qui s’inscrit en refus et/ou en alternative à cela peut être source de sens, d’espoir, de joie, de clarté, de mobilisation. C’est ce qui explique qu’aborder la « résistance » peut parfois alimenter malaise et désespoir dans certains contextes, et parfois alimenter énergie et espoir dans d’autres contextes.
Les « radicaux » sont conscients de l’immense défi que constitue la sortie du capitalisme, mais s’attachent à ouvrir quelques brèches, tracent quelques voies, et surtout manifestent ici et maintenant les logiques alternatives qu’iels défendent. Ce qu’iels demandent, ce n’est pas de tout changer tout de suite, mais que cette possibilité (de sortie) ne soit pas sans cesse refermée et dénigrée, qu’elle soit au contraire considérée avec sérieux et joie. Il faut que l’on discute et planifie ensemble cette sortie, et au minimum qu’on les laisser expérimenter.
Faire plus ? Faire partie de la solution ?
Qu’est-ce que cela signifie, « en faire plus » (pour le climat, pour les inégalités, etc..) ? Il semblerait que l’attention soit portée sur l’ajout de positif dans le monde, plutôt que sur la transformation du monde. On cherche à créer des impacts positifs mesurables pour les populations et l’environnement, sans remettre en question les logiques dominantes qui nourrissent activement les phénomènes que l’on prétend combattre. On pense qu’il faut ajouter des choses pour « résoudre un problème » alors que parfois en retirer fonctionnerait beaucoup mieux. On pense que si on agit avec une bonne intention (celle de créer des impacts positifs dans le monde), c’est forcément une bonne chose. Or, dans le contexte d’une lutte pour l’interprétation du monde (entre différents acteurs), on comprend bien que si l’on rejoint le débat en cours de route avec un discours uniquement « positif », on va donner des points aux acteurs qui étaient déjà en train de remporter la bataille. Quand l’accent est mis sur le positif (ex.: une vision positive du futur, une vision positive de ce qui nous rassemble, etc.), on contribue souvent à masquer les « forces contraires » qui poussent dans l’autre direction ou qui maintiennent certaines logiques dominantes en place.
Une question dérangeante ici est la suivante : doit-on réellement pousser les acteurs influents à en « faire plus » ? « En faire plus » ne change pas le rapport de force asymétrique, au contraire, cela risque d’élargir encore plus l’influence de ces acteurs sur le monde (souvent de manière non démocratique). Un des discours les plus répandus dans le milieu des affaires pour expliquer leur engagement social et environnemental est la volonté de « faire partie de la solution ». Le problème est que ces acteurs présentent cela comme un devoir moral, et tiennent pour acquis que leur implication dans « la solution » va nécessairement être une bonne chose pour le monde. Pire, cette formulation justifierait à elle seule qu’un acteur déjà très influent sur le monde actuel « se doive » d’étendre encore davantage son influence en proposant les solutions pour demain. Au lieu d’encourager le milieu des affaires à agir (et potentiellement nous imposer encore davantage leur vision de la suite du monde), ne devrait-on pas lui retirer l’influence démesurée qu’il exerce sur le monde ?
Quelle posture éthique, alors, pour un acteur du milieu des affaires ou de la philanthropie qui souhaite agir ? Proposition : ne pas prétendre que l’on peut « hack our way out of this crisis » sans délibérer sur le monde dont nous voulons, et ne pas prétendre à la neutralité idéologique. Reconnaître que ses solutions ne sont pas neutres, pragmatiques ou naturellement progressistes : elles portent en elle une conception de la société actuelle et future, et un positionnement dans ce monde en lutte (batailles d’imaginaires, luttes de savoir et de pouvoir…). Pour les acteurs « pris » dans le système qui veulent bien faire, il s’agit surtout de prendre une posture d’humilité et de résister à la tentation de se positionner comme détenteurs de solutions pour la suite du monde. Résister à dire « mais si regardez, il y a de l’espoir ici, mettez vos espoirs ici! », alors que l’espoir se trouve en réalité ailleurs, dans des remises en question plus profondes. C’est cela qui ajoute à la confusion du monde, à la perte de sens des mots, au cynisme, à l’absurde. C’est reconnaître que le chemin pour sortir de l’impasse ne passe pas forcément par chez soi. Ce chemin est tracé par d’autres, construit au travers des décennies de luttes sociales et des expérimentations alternatives, contre les logiques destructrices. Et donc, pour ces acteurs, il s’agirait de changer de discours : prendre responsabilité pour leurs impacts négatifs, oui, prendre une responsabilité en reconnaissant les limites des solutions qu’ils pourraient proposer, en nommant avec transparence qu’ils n’ont pas toutes les réponses, en choisissant de ne pas augmenter davantage leur influence sur la suite du monde, en soutenant d’autres acteurs qui pensent et construisent les alternatives aux logiques destructrices, injustes et aliénantes. Ce qui compterait le plus alors serait l’humilité, la transparence, la pleine contribution fiscale, du soutien matériel, financier et/ou logistique si cela est possible, le plein soutien aux lois ambitieuses sur le plan écologique et social, et nécessairement, la solidarité avec les luttes sociales.
À l’inverse, bomber le torse en affirmant que les « solutions sont là » et qu’elle ne requiert pas autant de changements radicaux ni de délibération, cela nous conduit dans l’impasse et la confusion générale. En tant qu’organisation, qu’est-ce que l’on défend, quand on tombe dans ce piège ? N’est-ce pas, avant tout, une défense de son influence en tant qu’organisation ? C’est comme ça que l’on finit par lutter pour la survie d’un système ou d’une organisation en place, plutôt que pour défendre la vie sur Terre. De cette façon, on n’est pas « complémentaire » avec les autres formes de « solutions », encore moins solidaires avec elles : on les discrédite, on complique leur travail et on les cannibalise.
Des solutions rassembleuses ?
Quand on commence par vouloir rassembler un grand nombre d’acteurs aux intérêts différents, autour d’une solution ou d’une vision commune, le risque est grand que l’on contribue à un exercice d’équilibrisme et de perfectionnement plutôt qu’à un exercice de transformation. Encore une fois, cela est dû au fait qu’on ne nomme pas clairement ce contre quoi on se bat, ce que l’on veut perturber, ce à quoi on renonce, ce que l’on veut enlever dans le système. Par exemple, on dit plutôt qu’on veut « aller vers un monde plus _ (insérer ici un adjectif flou et non défini de votre choix) ».
Évidemment qu’il faut agir ensemble, lutter ensemble. Mais est-ce qu’il s’agit de « lutter tous ensemble contre les crises » dans une approche positiviste, ou bien de lutter tous ensemble contre ceux qui maintiennent en place les logiques destructrices et oppressives actuelles, et qui nous empêche d’expérimenter autre chose ? Le dialogue doit d’abord passer par le droit à la pluralité, et par le droit à envisager la sortie (de ces logiques) comme une voie possible.
Des grandes solutions ?
Il ne s’agit pas forcément de trouver une grande solution qui concerne tout le système ou qui a le potentiel de se répliquer dans tout le système. Il ne s’agit pas forcément de trouver une solution issue d’un grand partenariat multisectoriel. Si les solutions doivent nous indiquer une voie de sortie (sortir des logiques responsables des catastrophes en cours), alors nous devrions les évaluer sur ce critère. Devrions-nous mettre tous nos espoirs dans les solutions « à fort impact » qui sont choisies, soutenues, financées par les institutions néolibérales (ou complices de l’expansion du néolibéralisme) ? Une grande partie des jeunesses, surtout, ont perdu espoir dans tout ce qui peut sortir de ces sphères. Elles entrent en refus et en alternatives. Ça ne se traduit pas par de « grandes solutions », mais ce ne sont pas non plus des « petits gestes » inoffensifs : au contraire, ce sont ces gestes qui défendent avec le plus de vigueur la vie et les relations sur terre, contre tout ce qui l’attaque.
Miser sur son chapeau professionnel (vs citoyen) ?
Est-ce une bonne chose que l’on mise de plus en plus sur nos emplois (et nos chapeaux professionnels) pour changer le monde ? Les conséquences de la professionnalisation dans le secteur social et dans le domaine de l’intérêt général sont bien documentées : adoption des codes du secteur privé, risque de dérive de mission, dépolitisation, etc.[9] Quant aux « emplois à impact » dans le secteur privé, il y a de fortes chances qu’ils embrassent l’idéologie solutionniste. Mais surtout, s’engager à travers nos emplois nous amène à adopter un esprit de conciliation particulièrement fort, où l’on cherche à concilier radicalité avec convenabilité/valorisation professionnelle. Non seulement cela nous fait porter sur nos épaules la lourde tâche de réduire la dissonance cognitive qui est présente dans ces milieux professionnels, mais contribue aussi à créer une novlangue, à renforcer la capacité du système à dévitaliser le langage de lutte et empêcher toute bifurcation radicale.
À l’inverse, devrions-nous miser sur notre chapeau citoyen, en réservant nos énergies, nos efforts et nos projets pour notre voix citoyenne ?
En tant que citoyen.ne.s, nous pouvons plus librement et plus radicalement exprimer notre regard sur le monde actuel et futur : notre colère, notre joie, nos aspirations, notre position dans ce monde en luttes. On peut trouver l’énergie et la joie militante nécessaires, que l’on arrive si peu à trouver dans les milieux professionnels aseptisés et déconnectés des luttes. En tant que citoyen.ne.s, nous pouvons crier haut et fort : la vision actuelle du progrès, on n’en veut pas. Ce projet prométhéen de façonner de toutes pièces une société parfaite, où l’on cherche toujours plus à contrôler les corps, les esprits et les relations, on n’en veut pas. C’est une Utopie dont on se passerait volontiers. Cette vision reflète les rêves fous de quelques-uns, certes, mais ce ne sont pas nos rêves. En tant que citoyen.ne.s, nous pourrions exiger un temps d’arrêt dans cette trajectoire mortifère, à l’issue duquel il serait impossible de reprendre le cours « normal » des choses. Ce temps d’arrêt permet de reconnaître l’impasse de la trajectoire en cours et d’ouvrir le champ des possibles vers une multiplicité d’autres trajectoires (jusque-là dénigrées comme étant impossibles et balayées du revers de la main). Ce temps d’arrêt, au cours duquel les activités destructrices seraient considérées comme des choix et non comme choses inévitables, permettrait ainsi de réduire l’effet centrifuge qui existe en faveur du statu quo. Cela permettrait ainsi de ne pas tomber dans le piège du solutionnisme, et de laisser le temps à la population de se positionner parmi les trajectoires possibles, y compris d’organiser des bifurcations radicales et des manières de sortir progressivement du système-monde actuel.
Conclusion
En résumé, trois éléments pourraient constituer de nouveaux repères pour les acteurs de changements, quant à leur posture face aux « solutions : 1) faire preuve d’humilité, en reconnaissant que les réponses proviennent aussi (et surtout) des sphères non professionnelles ; 2) être solidaires avec les luttes citoyennes, contribuer à dé-techniciser et la démocratiser le débat sur le « monde d’après » ; 3) laisser de l’espace à des pluralités radicalement différentes du modèle dominant et consolidé.
Éviter le piège du solutionnisme, ce n’est pas « ne rien faire ». C’est « être, apprendre et agir ensemble » dans un horizon de sortie des logiques responsables de la destruction/oppression massive. C’est construire des alternatives en lesquels on croit, décider ensemble de ce que nous voulons, mais en continuant de se battre contre l’idée d’un système optimal, englobant, centralisateur. Il s’agit plutôt de remettre de la pluralité, de l’autonomie et de l’incertitude dans les façons de faire société. Après tout, Proudhon disait déjà en 1861, dans sa Théorie de l’impôt: « Le système centralisateur est très beau de grandeur, de simplicité et de développement ; il n’y manque qu’une chose, c’est que l’homme ne s’y appartient plus, ne s’y sent pas, n’y vit pas, n’y est rien » (p. 234).
Références bibliographiques
François, M. et Rio, N. (2021, 16 décembre). Agir avec Bruno Latour – Ré-apprendre à faire politique. Autrement Autrement. Consulté le 8 septembre 2022, à l’adresse https://autrementautrement.com/2021/12/16/agir-avec-bruno-latour-2-re-apprendre-a-faire-politique/
Latour, B. (2019). À la recherche de l’hétéronomie politique. Revue Esprit. Mars 2019. n°452 pp. 104-113.
Morozov, E. (2014). To save everything, click here: the folly of technological solutionism. J. Inf. Policy, 4(2014), 173-175.
Morozov, E. (2020, 5 avril). Covid-19, le solutionnisme n’est pas la solution. Le Monde diplomatique. https://blog.mondediplo.net/covid-19-le-solutionnisme-n-est-pas-la-solution
Proudhon, P. J. (1868). Théorie de l’impôt: question mise au concours par le Conseil d’état du canton de Vaud en 1860 (Vol. 15). Librairie Internationale.
[1] Expression combinant les mots « sens » et « censure », désignant les situations où c’est l’usage massif de certains mots (et non pas leur interdiction) qui empêche la pensée subversive.
[2] Comme le décrit très bien le collectif Désobéissance Écolo Paris dans son livre Écologie sans transition paru en 2020 aux éditions Divergences.
[3] Dans ce texte, le terme « politiser » ne fait pas référence à l’appareil institutionnel et aux partis politiques : il s’agit plutôt du processus à travers lequel les individus se relient à la construction d’un monde commun et défendent une certaine conception de la vie en société.
[4] C’est-à-dire un monde au-delà du capitalisme, du productivisme et la dynamique de croissance infinie.
[5] Pour reprendre l’expression du président français Emmanuel Macron : https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/ecologie-macron-dit-vouloir-aller-plus-vite-plus-loin-plus-fort-998708
[6] Références au sujet de l’idéologie techniciste et gestionnaire :
Habermas, J. (1973). La technique et la science comme idéologie, Paris, Gallimard.
Illich, I. (1973) La convivialité, Paris, Le Seuil.
Ellul, J. (1977) Le Système technicien. Paris, Calmann-Lévy.
Castoriadis, C. (1996). « La montée de l’insignifiance » dans Les carrefours du labyrinthe, IV, Paris, Seuil.
De Gaulejac, V. (2005). La société malade de la gestion: idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social. Seuil.
Tordjman, H. (2011). La crise contemporaine, une crise de la modernité technique. Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, 10, Article 10. https://doi.org/10.4000/regulation.9456
[7] À ce sujet, Philippe Vion-Dury parle d’Utopie (au singulier avec un U majuscule, en opposition aux utopies émancipatrices) : « L’Utopie, c’est un projet de société parfaite érigé sur la base d’une série d’axiomes, l’anéantissement de la divergence et de la conflictualité par une vision du progrès enfin réalisé ». (Dans « À l’Assaut de la cité idéale ». Socialter. Hors-Série n°13, p. 31)
[8] Références sur l’idéologie néolibérale :
Dardot, P., & Laval, C. (2020). La nouvelle raison du monde: essai sur la société néolibérale. La découverte.
Solé, Andreu (2008) « L’entreprisation du monde », dans J. Chaize et F. Torres (Dir.), Repenser l’entreprise, Paris : Le Cherche midi, pp. 27-54.
Fraser, N. (2013). Marchandisation, protection sociale, émancipation: vers une conception néo-polanyienne de la crise capitaliste. In Socioéconomie et démocratie (pp. 37-63). Erès.
[9] Sur le sujet de la professionnalisation et de la managérialisation, voir :
Bidet, É. (2003). L’insoutenable grand écart de l’économie sociale Isomorphisme institutionnel et économie solidaire. Revue du MAUSS, 21 (1), 162.
Maier, F., Meyer, M., & Steinbereithner, M. (2016). Nonprofit Organizations Becoming Business-Like: A Systematic Review. Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly, 45(1), 64–86.
Swaton, S. (2015). Chapitre 10. La banalisation des organisations et des entreprises de l’ESS. Dans : Robert Holcman éd., Économie sociale et solidaire (pp. 277-303). Dunod.