Appel à propositions | Call for Proposals

Imaginer et créer d’autres mondes possibles : arts engagés, urgences, utopies | Imagining and creating other possible worlds: engaged arts, emergencies, utopias

15 février 2025 · à

Merci de faire parvenir un résumé de votre proposition (300 mots) à crits@ustpaul.ca, avant le 15 février 2025.

Veuillez  nous faire part de vos besoins en termes d’accessibilité. Nous sommes aussi conscient-e-s que plusieurs personnes, dont les artistes, auront besoin de soutien afin de couvrir leurs frais de déplacements. Veuillez également nous indiquer vos besoins à cet égard. Sachez que, bien que nous ne pouvons garantir les résultats,  nous sommes en train de faire des démarches de financement pour répondre à ces besoins.

Comment imaginons-nous et créons-nous, depuis les mondes que nous habitons, ceux que nous voudrions habiter ? Crises, fins du monde, dystopies, impasses, dangers ; si les échelles, les temporalités et les mots et images pour en témoigner se déplacent, les formes et les lieux de ce qui doit cesser, de ce qui est à régler, de ce qui est à transformer ou à changer sont à la fois multiples et interreliés. Des violences coloniales et raciales qui se perfectionnent depuis au moins le milieu du 15e siècle au ressac antiféministe et transphobe contemporain, des conditions de travail aux crises du logement qui se succèdent, de la surveillance des populations aux guerres algorithmiques, les urgences sont autant ponctuelles que durables, autant passées que présentes, autant locales que globales. C’est cela, notamment, que s’affairent à documenter et à exposer les différentes approches critiques savantes, artistiques et militantes ancrées dans des approches anticapitalistes, féministes, queer, antiracistes, décoloniales et/ou antifascistes. Mais au-delà du diagnostic, les mondes dans lesquels nous sommes sont également le terrain pluriel des mondes à faire, le locus de la planification, de l’innovation, de la transformation, de l’improvisation des possibles ; le terrain pluriel des utopies, de leurs conceptualisations et de leurs matérialités.

Les arts et les expressions culturelles, à cet égard, ont le potentiel de jouer un rôle de premier plan. S’il ne s’agit pas de suggérer que ceux-ci sont nécessairement émancipateurs ou même en rupture par rapport au statu quo (Azoulay 2019), les arts et les expressions culturelles, en revanche, seraient peut-être – c’est là une hypothèse que nous vous soumettons – un lieu privilégié pour échapper à la capture des formes de représentations et de projections dites légitimes (voir notamment Henda et Siegert 2019). En cela, ils peuvent offrir un ensemble de potentialités précieuses (voir notamment Rasmussen 2018). Comme méthodes, comme sensibilités, comme perspectives, comme théorisations, comme lieux et comme pratiques, ils peuvent ouvrir et investir, peut-être plus radicalement que d’autres formes de production de sens, l’espace liminal au confluent de ce qui a été, de ce qui est et de ce qui pourrait être (voir notamment Jackson 2020). Les arts et les artistes, autrement dit, seraient à même de proposer une pluralité de discours sur l’être en situation non seulement s’agissant du passé et du présent, mais appréhendant aussi les domaines hypothétiques, risqués, préfiguratifs et poétiques du futur et de l’autrement (voir notamment Césaire 1945 ; Glissant 1990 ; Posthumus 2019). Ce colloque entend interroger le potentiel avéré et envisagé des arts et des expressions culturelles dans l’imagination et la création d’alternatives dans l’urgence, de même que le geste d’imagination et de création en lui-même, en investissant le champ conceptuel et politique de l’utopie.

L’utopie, comme projection de ce qui n’est pas (encore), a connu dans les dernières décennies un intérêt renouvelé. Les relectures et poursuites des propositions et conceptualisations d’Ernst Bloch quant à la catégorie du possible et quant au « pas-encore » (noch nicht) (Bloch 1954), notamment, ont non seulement réactualisé la pensée blochéenne sur les terrains de l’écologie et du post-humain (voir notamment de Berg et Moir, 2024 ; Moir 2019), mais aussi dans un dialogue fructueux avec différents projets critiques dont les perspectives queer et noires (voir notamment Muñoz, 2009 ; Brown, 2021). Également, l’œuvre déterminant du sociologue Erick Olin Wright a animé une approche plus concrète, ou « réelle », de l’utopie comme registre des alternatives radicales possibles et envisageables (Wright, 2010). Ces discussions, par ailleurs, se sont adossées à d’autres suggérant elles aussi une attention et un investissement dans le spéculatif et le possible, questionnant à la fois leurs lieux et leurs temporalités et renégociant leurs formes. David Graeber, par exemple, a suggéré l’« imagination immanente » pour rendre compte de la matérialité des désirs transformateurs, inscrits dans les rapports sociaux et visant à les transformer par l’action (Graeber, 2011). Ruth Wilson Gilmore, similairement, propose une théorie abolitionniste du changement appréhendant la transformation émancipatrice comme le fait d’une constellation de pratiques ancrées dans les lieux (Gilmore, 2022). Finalement, Saidiya Hartman déplace la temporalité des possibilités et spéculations du futur au passé, pour imaginer ce qui aurait pu être au moyen de ce qu’elle appelle la « fabulation critique » (2008).

Entre la représentation du présent tout comme du passé et l’imagination et la création de ce qui n’est pas (encore), le geste artistique a le potentiel de résister, de mobiliser, de défaire, de refaire, de proposer et de tenter. Quelle est la matière de ce qui est imaginé et créé par l’art et les artistes, de ce qui l’a été et peut l’être, et comment ne pas la capturer, la limiter, la restreindre ? Quelles formes, quelles pratiques, quelles méthodes, quels matériaux peuvent être mobilisés pour imaginer et créer d’autres possibles ? Et qu’est-ce que ces deux processus, l’imagination et la création, peuvent éventuellement annoncer ou suggérer comme écueils, comme ratés, comme récupérations, voire comme poursuite du statu quo ? Ensuite, que permet ou empêche le topos de l’utopie, et comment interagit-il avec les différentes conceptions de l’imagination et de la création transformatrices ? Et comment l’art et les artistes investissent-iels ce qui n’est pas (encore) et alimentent-iels en retour la pensée critique et sociale dans l’urgence ?

 Le colloque se déroulera les 6 et 7 novembre 2025, à Ottawa. Les propositions en français ou en anglais peuvent prendre des formes variées (communications, ateliers, panels, performance, projection, déambulation, exposition, etc.; il est aussi possible de seulement signifier votre intention de participer à ces journées, comme personne ou organisation) et peuvent, entre autres, aborder les thèmes suivants :

  • Art engagé et savoirs critiques et transformateurs
  • Sociétés postcapitalistes
  • Écologies, environnements et écosystèmes
  • Pratiques démocratiques
  • Fascisme et antifascisme
  • Guerres, violences et résistances
  • Mouvements artistiques historiques et contemporains
  • Méthodes et pratiques artistiques
  • Institutions culturelles
  • Circulation de l’art, circulation artistique
  • Art légitime, art illégitime
  • Médiums et formes artistiques
  • Spatialités et géographies

Merci de faire parvenir un résumé de votre proposition (300 mots) à crits@ustpaul.ca, avant le 15 février 2025.

Veuillez  nous faire part de vos besoins en termes d’accessibilité. Nous sommes aussi conscient-e-s que plusieurs personnes, dont les artistes, auront besoin de soutien afin de couvrir leurs frais de déplacements. Veuillez également nous indiquer vos besoins à cet égard. Sachez que, bien que nous ne pouvons garantir les résultats,  nous sommes en train de faire des démarches de financement pour répondre à ces besoins.

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Please send a 300-word summary of your proposal to crits@ustpaul.ca, before February 15 2025.

Please let us know your accessibility needs. We are also aware that many people, including artists, will need support to cover their travel expenses. Please let us know your needs in this respect too. While we can’t guarantee results, we are in the process of securing funding to meet these needs.

How do we imagine and create, from the worlds we inhabit, those we would like to inhabit? Crises, the end of the world, dystopias, impasses, and dangers: if the scales, temporalities and words and images that bear witness to them are shifting, then the forms and places of what must cease, be resolved, be transformed or changed are multiple and interrelated. From the colonial and racial violence that has been perfected since the middle of the 15th century to the contemporary antifeminist and transphobic backlash; from working conditions to successive housing crises; from population surveillance to algorithmic warfare; in sum, these urgencies are as punctual as they are enduring, as past as they are present, as local as they are global. This is what the various scholarly, artistic and militant critical approaches rooted in anti-capitalist, feminist, queer, anti-racist, decolonial and/or anti-fascist approaches are engaged in documenting and exposing. Beyond analysis, the worlds we inhabit are the plural spaces of worlds to be made, for planning, innovation, transformation and improvisation of the possible. In short, these spaces reflect the myriad of utopias, their conceptualizations and their materialities.

With this in mind, arts and culture have the potential to play a leading role. While this is not to suggest that they are necessarily emancipatory or even at odds with the status quo (Azoulay 2019), arts and culture might, in fact, be a privileged place to escape ‘legitimate’ forms of representation and projection (see Henda & Siegert 2019). Through this view, they can show us a set of valuable potentialities (see in particular Rasmussen 2018). As methods, sensibilities, perspectives, theorizations, places and practices, they can open up and infuse more radically than other forms of meaning production, the unearthed space at the convergence of what has been, what is and what could be (see in particular Jackson 2020). In other words, artists would be able to propose many discourses on being-in-the-world, not only with regard to the past and present, but also in understanding the hypothetical, risky, prefigurative and poetic realms of the future and the otherwise (see Césaire 1945; Glissant 1990; Posthumus 2019). The aim of this symposium is to explore the actual and potential of arts and culture in imagining and creating urgent alternatives; furthermore, it seeks to understand more about notions of imagination and creation by exploring the conceptual and political field of utopia.

Utopia, as a projection of what is not (yet), has enjoyed renewed interest in recent decades. Rereadings and pursuits of Ernst Bloch’s proposals and conceptualizations of the category of the possible and of the “not-yet” (noch nicht) (Bloch 1954), in particular, have not only updated Blochian thought on the terrains of ecology and the post-human (see de Berg and Moir, 2024; Moir 2019); but, also in fruitful dialogue with various critical projects including queer and black perspectives (see Muñoz 2009; Brown 2021). In addition, the seminal work of sociologist Erick Olin Wright has examined a more concrete, or “real,” approach to utopia as a possible and conceivable radical alternative (Wright 2010). These discussions were backed up by others also suggesting attention to and further examination in the speculative and the possible, questioning both their places and temporalities and renegotiating their forms. For example, David Graeber (2011) has suggested the “immanent imagination” to account for the materiality of transformative desires, inscribed in social relations and aimed at transforming them through action. Similarly, Ruth Wilson Gilmore (2022) proposes an abolitionist theory of change apprehending emancipatory transformation as the fact of a constellation of practices anchored in places. Finally, Saidiya Hartman (2008) shifts the temporality of possibility and speculation from the future to the past, imagining what might have been through what she calls “critical fabulation”.

Between representing the present as well as the past, and imagining and creating what is not (yet), art and culture has the potential to resist, mobilize, undo, remake, propose and attempt. What is the material being imagined and created by artists? What has been and can be, and how can we avoid censoring it? What forms, practices, methods and materials can be mobilized to imagine and create other possibilities? And what can imagination and creation potentially identify as pitfalls, failures, paths to rehabilitate, or perhaps how to continue the status quo? Secondly, what does the topos of utopia allow or prevent, and how does it interact with different conceptions of transformative imagination and creation? Finally, how do artists invest in what is not (yet) and, in turn, feed critical and social thought in a time of urgency?

The symposium will take place on November 6 and 7, 2025, in Ottawa. Proposals in French or English can take a variety of forms (papers, workshops, panels, performances, screenings, walkabouts, exhibitions, etc.; it’s also possible to simply indicate your intention to participate in these days, as an individual or an organization) and can, among other things, address the following themes:

  • Engaged art and critical, transformative knowledge
  • Post-capitalist societies
  • Ecologies, environments and ecosystems
  • Democratic practices
  • Fascism and anti-fascism
  • Wars, violence and resistance
  • Historical and contemporary artistic movements
  • Artistic methods and practices
  • Cultural institutions
  • Circulation of art, artistic circulation
  • Legitimate and illegitimate art
  • Mediums and art forms
  • Spatialities and geographies

Please send a 300-word summary of your proposal to crits@ustpaul.ca, before February 15 2025.

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Références

  • Miguel Abensour. (2016). Utopiques T.4 : L’histoire de l’utopie et le destin de sa critique. Paris : Sens & Tonka.
  • Giorgio Agamben. (2003). État d’exception. Homo Sacer. Paris : Éditions du Seuil.
  • Arielle Aïcha Azoulay. (2019). Potential History: Unlearning Imperialism. New York: Verso.
  • Ernst Bloch. (1976[1954]). Le Principe espérance Tome 1. Paris : Gallimard.
  • Henk de Berg et Cat Moir. (2024). Rethinking Ernst Bloch. Leiden : Brill.
  • Jayna Brown. (2021). Black Utopias: Speculative Life and the Music of Other Worlds. Durham : Duke University Press.
  • Aimé Césaire. (1945). Poésie et connaissance. Tropiques, 12, 157-170.
  • Ruth Wilson Gilmore. (2022). Abolition Geography: Essays Towards Liberation. New York : Verso.
  • Édouard Glissant. (1990). Poétique de la Relation. Paris : Gallimard.
  • David Graeber. (2011). Revolutions in Reverse: Essays on Politics, Violence, Art and the Imagination. New York : Minor Compositions.
  • Kiluanji Kia Henda et Nadine Siegert. (2019). Intervening into the Future Script: A Conversation about Fiction, Magic, and the Speculative Power of Images. Dans Henriette Gunkel et kara lynch (dir.), We Travel the Space Ways (287-302). Bielefeld : transcript.
  • Saidiya Hartman. (2008). Venus in Two Acts. Small Axe 12, 2, 1-14.
  • Zakkiyah Iman Jackson. (2020). On Becoming Human: Matter and Meaning in an Antiblack World. New York : NYU Press.
  • Frederic Jameson. (2007). Archaeologies of the Future The Desire Called Utopia and Other Science Fictions. London : Verso.
  • Cat Moir. (2019). Ernst Bloch’s Speculative Materialism. Leiden : Brill.
  • José Esteban Muñoz. (2009). Cruising Utopia: The Then and There of Queer Futurity. New York : NYU Press.
  • Stéphanie Posthumus. (2019). Is écocritique Still Possible? French Studies 73, 4, 598-616.
  • Mikkel Bolt Rasmussen. (2018). After the Great Refusal: Essays on Contemporary Art, Its Contradictions and Difficulties. Royaume-Uni : Zer0 Books.
  • Gregory Scholette. (2022). The Art of Activism and the Activism of Art. London: Lund Humphries.
  • Erick Olin Wright. (2010). Envisionning Real Utopias. New York : Verso.